Stéphane Urbajtel, dans la Charente Libre, enquête sur cette inquiétante statistique : les logiciels de la région seraient (foi de Microsoft) piratés à 49%. Un écart considérable comparé aux pays anglo-saxons, notamment l’Allemagne et l’Angleterre. Deux pays, doit-on préciser, qui militent fortement pour la pratique de Linux dans les milieux scolaires et Universitaires… mais ceci est une autre histoire.
Et les chiffres de continuer de tomber : « 270 millions d’euros. C’est le manque à gagner qui serait consécutif au piratage pour les professionnels de l’informatique dans le Sud-Ouest ». Une statistique qui ressemble étrangement à celles des vendeurs de musique, qui comptent, tel Perette, l’argent des veaux, vaches et couvées dont la virtualité n’a d’égal que leurs certitudes de ventes. Seulement voilà, depuis que les études et les statistiques existent, aucun économiste n’est parvenu à prouver que les copies piratées peuvent systématiquement être converties en version « payantes » en cas d’action coercitive. Par ailleurs, le succès des versions « Traditional Chinese » et « Cantonese » de Windows, inexistantes d’un point de vue comptable durant des décennies mais belles et bien présentes dans toutes les éditions du MSDN, laisserait planer un soupçon de marketing viral … Cette technique (dite de « marketing viral ») avait été inventée par Ashton Tate aux tous débuts de la commercialisation de Dbase II.
Glissons également sur les comparatifs des différentes régions de France, qui expliqueraient ce taux de piratage par la simple comparaison des montants des investissements IT. 1,9% en Charente, plus de 2,6% en moyenne partout ailleurs en France, voilà une équation complexe qui permet à certains statisticiens du crime d’établir une relation entre un budget et un taux de délinquance supposé. C’est là confondre les zones à forte concentration d’industries tertiaires (région Parisienne, Lyonnaise, Marseillaise, Toulousaine…) à celles, telles les Charente, où l’on produit plus de beurre, de Cognac, de Pineau, de blé, d’huîtres de Marennes et de tickets d’entrée au Futuroscope que de contrats d’affacturage ou de sous-traitance comptable. On utilise moins d’ordinateurs dans le secteur de l’agriculture que dans l’industrie aéronautique. Alors, qui pirate ? Ces délits seraient-ils limités aux étudiants et universitaires, dont (c’est un fait connu) le pouvoir d’achat est l’un des plus élevés de France ? Et ce piratage serait-il la cheville ouvrière d’un appareil productif ? Car l’on ne peut estimer un manque à gagner qu’en fonction d’un gain tiré d’une activité illicite. Voilà qui pourrait constituer une piste intéressante… mais ceci est une autre histoire.
Comme à la haute époque de la campagne d’amnistie Wordstar ou de la guerre aux techno-délinquants ralliée sous la bannière de La Commande Electronique, les mêmes erreurs semblent être commises. A commencer par l’amalgame fait entre le piratage « industriel » perpétré par quelques aigrefins hors d’atteinte et la copie d’usage/apprentissage de quelques programmes qui ne jouent aucun rôle dans une entreprise financière. Aucun rapport donc avec les barrons Russes et Chinois du piratage sur Internet, plus difficiles à poursuivre, peu effrayés par les injonctions d’avocats, mais dont les « offres » peuvent fort bien atterrir sur un ordinateur de Charente-Poitou. Est également éludée la question des antiques versions de Windows 98, abandonnées depuis belles lurette par son éditeur, et qui ne fonctionnent encore qu’à coup d’enrichissements logiciels plus ou moins gris. Mais là encore, aucun « expert es piratage » n’est réellement parvenu à découvrir la formule de la pierre philosophale qui transformera spontanément une plateforme 98 S.E. en un contrat de licence Windows 7/4 Go de RAM/DualCore 2GHz/1 To de stockage. Surtout en période de crise. Mais ceci est une autre histoire.
Il n’est pas du tout question de justifier là le moindre acte de piratage. Cette tendance doit nécessairement être combattue, non pas par des lobbies à la fois juge et partie, mais par des instances civiles neutres et capables de mettre en place les moyens de lutte et des infrastructures de prévention. Peut-être même est-ce là la preuve flagrante d’un certain laxisme des institutions en place, lesquelles, pour répondre à une demande qui ne peut économiquement être satisfaite avec des offres propriétaires, devraient intensifier les efforts de promotion du logiciel Libre. Mais se poserait alors un cas de conscience chez les marchands de code propriétaire : dénoncer le « scandale du piratage » présenterait rapidement le risque de renforcer la position des programmes Open Source. Hurler au loup au risque de favoriser un adversaire mortel ou se taire, quitte à « perdre de l’argent » un temps en espérant une régularisation future… c’est là toute l’histoire.
NdlR : Dans la soirée du 28 février, les serveurs de nos confrères de la Charente Libre ont cessé de répondre, conséquence très probable de la tempête Xynthia qui s’est abattue sur la région.