D’ici peu le salon AstriEurop ouvrira ses portes à l’Espace Champerret, Paris. Plus exactement, les 14, 15 et 16 avril prochains, les organisateurs de la première manifestation européenne autour d’Asterisk proposent près de 21workshops et 16 conférences. Des débuts ambitieux pour cet opensource …Mais qui a-t-il derrière Asterisk ? Qu’est-ce qui a fait d’une solution opensource un tel succès ? Mark Spencer répondent tous en cœur les intéressés du domaine, ceux-là même qui ont cru en ce logiciel et ont décidé de baser leur business professionnel dessus. Mais qui est Mark Spencer ? Tout simplement l’auteur du code qui réunira tout l’écosystème fondé autour mi-avril à Paris. Interview avec l’enfant prodige de la téléphonie opensource qui nous raconte son histoire, ses réalisations, ses vœux et ses espérances avec Asterisk.
CNIS. Comment êtes-vous devenu un développeur ? Avez-vous appris à “coder” tout seul ou plus traditionnellement à l’école ? Comment avez-vous débarqué dans le milieu de l’opensource ?
M.S. J’ai commencé à programmer en Basic à l’âge de 10 ans. À l’époque, ce genre d’activité était quelque peu inhabituel, mais aujourd’hui, c’est probablement plus fréquent. Écrire un logiciel, c’est un peu comme composer de la musique. Vous pouvez aller à l’école pour apprendre à affiner vos compétences, mais l’inspiration prévaut, une réalité qui permet de différencier rapidement les meilleurs développeurs de la moyenne. Cette passion qui anime de l’intérieur est quelque chose qu’il est difficile d’apprendre à l’école, mais c’est quelque chose que l’école peut certainement exploiter pour tirer le meilleur de quelqu’un.
J’ai commencé à utiliser Linux en 1994 après avoir passé quelque temps sur un programme d’été appelé «Science Research Institute» qui s’est tenu au MIT. Là, j’ai utilisé Unix et j’ai rapidement apprécié la puissance de ce système d’exploitation. C’est encore là que je me suis rendu compte qu’il me permettrait également d’utiliser un tel système à la maison.
CNIS. Pourriez-vous raconter à nos lecteurs comment l’idée d’écrire un un IP BX opensource a germé dans votre esprit ? Combien de temps cela vous a pris d’en écrire le noyau ?
M.S. J’aimerais pouvoir vous raconter qu’Asterisk était une création d’une vision de l’avenir de la téléphonie, mais en fait, j’ai écrit Asterisk parce que les systèmes téléphoniques de l’époque étaient trop chers pour moi. Et j’ai ressenti le besoin d’une solution entreprise s’appuyant techniquement sur Linux, milieu dans lequel je me lançais professionnellement activement. En tant que tel, j’ai décidé d’en réaliser un au lieu d’en acheter un. Mais ce ne fut que quelques années plus tard que j’ai compris que le système téléphonique que j’avais réalisé correspondait parfaitement aux attentes et aux besoins des entreprises, en tout cas plus que le support technique autour de Linux. La première version ne m’a coûté que quelques semaines de programmation, mais était très limitée. J’ai rapidement continué mes efforts de développement et comme vous le savez, Asterisk évolue depuis plus de dix ans maintenant.
CNIS. Combien de temps vous a-t-il fallu pour obtenir un tel succès avec Asterisk? Vous attendiez-vous à celui-ci ?
M.S. Cela n’a pas été un succès immédiat, et je crois que la réussite signifie différentes choses pour différentes personnes. Au lieu de cela, il y a eu de nombreuses, petites comme grandes, étapes dont chacune était un succès en soi. Je me souviens en 2003 ou 2004, avoir été présenté à un vice-président de MCI comme cela « C’est Mark Spencer. Celui-là même qui a développé Asterisk. En avez-vous déjà entendu parler? » Question à laquelle le vice-président s’est empressé de répondre par «En ai-je entendu parler? Bien sûr que j’ai entendu parler d’Asterisk ! Qui n’en a pas entendu parler? » Ce qui a été pour moi, à cette époque, un très grand moment de gloire! Egalement, en 2006, Forbes a fait un article sur Asterisk, ce qui a été un important évènement pour moi. Pour la première fois, je voyais l’importance d’Asterisk à l’extérieur de notre milieu, la reconnaissance en dehors du monde IT.
CNIS. Combien de temps vous a-t-il fallu pour créer l’importante communauté que vous avez autour d’Asterisk aujourd’hui ?
M.S. Comme le logiciel lui-même, le développement de la communauté autour d’Asterisk est un phénomène en perpétuelle évolution. Celle-ci a surtout commencé lorsque nombre de développeurs se sont intéressés de près à la programmation de logiciels de télécommunications. Ceux qui ont écrit autour d’Asterisk ne l’ont pas fait à l’époque parce qu’ils en avaient besoin mais uniquement parce qu’ils en avaient la capacité. Une grande partie de ces développements a été motivée plus pour des raisons de passion personnelle … Aujourd’hui, la communauté est beaucoup plus grande, mais est généralement davantage poussée par le besoin. La plupart des gens aujourd’hui développent autour d’Asterisk pour répondre aux manques des solutions actuelles qu’ils ressentent. Les milieux d’affaires autour d’Asterisk se sont également développés au fil du temps. Au début, il n’y avait vraiment que Digium en termes de business dont la seule source de revenus provenait d’Asterisk. A l’époque, chaque entreprise qui utilisait des produits Asterisk achetait Digium parce qu’elle se sentait étroitement liée à que nous représentions alors : Asterisk et sa communauté. Aujourd’hui, il existe d’innombrables sociétés qui gagnent leur vie avec Asterisk, dont beaucoup fonctionnent de manière complémentaire à Digium alors que d’autres sont en concurrence directe avec nous. Au lieu d’avoir une base de clientèle limitée à des utilisateurs finaux techniquement très pointus, de nombreux utilisateurs d’Asterisk n’ont aucune idée de ce qu’est Asterisk et la plupart du temps, ils ne savent même pas qu’ils l’utilisent. Tout ceci est bien sûr un signe positif montrant « l’ampleur » qu’a pris aujourd’hui l’IP BX Asterisk.
CNIS. Pourriez-vous nous donner une idée de la pénétration d’Asterisk au sein des entreprises américaines ? Européennes ?
M.S. L’Europe et dans une certaine mesure l’Asie ont certainement été moteur dans la politique de déploiement géographique d’Asterisk. Je crois que le marché européen accorde une plus grande valeur à des solutions open source par rapport au marché américain. Environ la moitié des revenus de Digium provient de l’extérieur des États-Unis.
CNIS. Comment voyez-vous l’avenir d’Asterisk face à de nombreuses et traditionnelles solutions propriétaires ?
M.S. Parmi les solutions nord-américaines déployées, le déploiement d’Asterisk a été le plus important face à tout autre fournisseur unique, mis à part la solution de Nortel et ce, en 2008. En fait, si vous additionnez ne serait-ce que tous les autres projets open source à Asterisk, alors le milieu open source dans son ensemble aurait été Numéro Un. Je pense qu’il y aura probablement toujours un équilibre entre les marchés, open source et modèles propriétaires (pour les leaders), mais dans le monde des télécoms, je soupçonne que l’ouverture des solutions open source pour des marchés de masse est en bonne voie , alors que les solutions propriétaires seraient poussées vers des segments verticaux plus étroits. Je ne pense pas que ce soit un changement très rapide, cela se évoluera sur plusieurs années.
CNIS. Dans quelles directions pourraient évoluer les produits dans les mois à venir?
M.S. La progression d’Asterisk aujourd’hui n’est plus seulement menée par le développement du noyau, mais surtout et également par le développement des solutions construites autour. Au fil du temps, je pense que ce sera la combinaison et le rapprochement d’Asterisk avec d’autres technologies qui fournira une grande partie de ce que les gens remarqueront, plutôt que les technologies de base sur lesquelles nous travaillons de façon à appuyer ce qui sera effectivement remarqué. En effet une grande partie du travail que nous faisons à Digium aujourd’hui correspond à soutenir les technologies du futur, l’évolutivité et l’intégration avec d’autres produits.