septembre 28th, 2010

Orange milite pour une industrie du bug Français ?

Posté on 28 Sep 2010 at 12:21

Sous prétexte de « lutter pour un monde plus ouvert », nous apprennent nos confrères de Télérama, Stéphane Richard, DG d’Orange, souhaite voir un cartel d’opérateurs européens développer leur propre système d’exploitation pour terminaux mobiles intelligents. Un Eurocopter des noyaux. Ce serait ainsi un triple tour de force : parvenir à persuader les usagers qu’un système à la fois propriétaire et localisé pourrait prétendre à une quelconque ouverture, parvenir à enfanter un projet stable d’un consortium de frères-ennemis commerciaux (ah, le bon temps que celui du mariage Sprint-DT-FT) et enfin convaincre les clients qu’aucun truand ne verra pas là une aubaine extraordinaire : celle d’un kernel nécessairement instable car trop jeune et conçu par un quarteron d’opérateurs sans expérience dans ce domaine. Mais comme le faisait remarquer Guillaume d’Orange (pas l’opérateur, mais l’autre, dit « le taciturne »), il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.

Les ennemis à abattre, on s’en doute, sont les redoutables Google, Apple, Microsoft et RIM, qui ont chacun mis plus de 10 ans, parfois même 20, à développer ou convertir un noyau à peu près stable. Lapsus révélateur et savoureux, le patron d’Orange utilise le terme « cheval de Troie » pour désigner lesdits concurrents. Des concurrents qui, par le truchement de leurs réseaux (iTune/AppleStore, comptes Google…), ont su imposer une infrastructure commerciale efficace et lucrative.

Reste que les opérateurs Européens semblent oublier deux détails. En premier lieu, aucun des « chevaux de Troie » désignés ne s’est lancé dans la téléphonie sans ces fameux réseaux de distribution et de diffusion. Itune préexistait bien avant le lancement de l’iPhone, Windows Mobile n’est arrivé sur le marché de la téléphonie –et encore avec bien du mal- qu’après plus d’une décennie de développements et d’alliances avec des partenaires sur le marché du PDA, et Google n’a osé s’engager dans la bagarre qu’une fois ses services Cloud stabilisés et adoptés par une vaste population. Et chacun de ces réseaux a nécessité près de 10 ans de recherches, de tâtonnements, d’ajustements et de guerre de tranchées marketing. Sans oublier, tant chez Apple que chez Google et Microsoft, des investissements considérables en terme de développement matériel et infrastructurel. Seule exception, RIM, dont le système de messagerie est plus ou moins né parallèlement au développement de son parc de terminaux. Mais à une époque où la mise de fond était moins élevée qu’aujourd’hui pour avoir le droit de s’assoir à la table de jeu.

Las, on ne peut s’improviser « créateur de noyau », même si l’on possède un trésor de guerre considérable. F.T. ne possède pas de compétence interne en matière de développement matériel, ne dispose d’aucun centre spécialisé dans la conception de système d’exploitation qui ait su faire ses preuves sur le secteur grand-public, n’a jamais investi le moindre Euro dans le domaine des réseaux sociaux et ne peut opposer une puissance d’hébergement infime comparée à celle des grands datacenters que possèdent Microsoft ou Google. Ajoutons enfin que l’image de marque consumériste de notre opérateur historique est pratiquement inexistante, comparé à l’Applemania ipode/iphone, la Microsoft Powa qui va de l’ordinateur à MSN, arme ultime des ados « tchateurs », ou la Blackberry Craze qui frappe les complets 3 pièces cravate-veston-cuisine-salle de bain branchés en permanence sur leurs emails. Point de « services gratuits » non plus, chez Orange… ce « don nécessaire » qui attirera le chaland. Les Gmail ou MSN en passant par les appliquettes gratuites de iTune sont à l’opposé d’une culture d’entreprise qui s’accroche désespérément à vendre de la minute de communication. Quand bien même la division «communications mobile » entreprendrait des efforts surhumains que resterait collé à l’image de l’entreprise la réalité d’une entité qui « baisse le prix des communications » d’une main mais augmente les tarifs d’abonnement de l’autre.

Développer un système d’exploitation, c’est un métier à part entière, et non le travail d’un « département spécialisé ». Remember Bull, entreprise pourtant spécialisée dans le domaine informatique, qui a collectionné les échecs les plus retentissants sur ce créneau. Une telle initiative risquerait, en outre, de faire perdre à Orange une grande partie de sa clientèle mobile. Car qui dit « nouveau noyau » pense immanquablement « usine à bugs », essuyage de plâtres et par conséquence, « exploitation mafieuse certaine ». Or, là encore, Orange n’a jamais montré une quelconque maîtrise d’une « culture de la sécurité ». Hormis peut-être pour vendre de l’abonnement antivirus à des utilisateurs ADSL, comme on vend de la minute de communication ou de la location de S63.

Si Orange persiste et signe, ce pourrait être une véritable aubaine pour les professionnels de la sécurité. Mais sur une courte période. Les grandes initiatives technologiques de notre opérateur historique, du visiophone au Bi-Bop ou du Minitel au premier albaniciel n’ont pas laissé le souvenir impérissable d’un succès mondial reconnu.

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