décembre 7th, 2010

Parler de Wikileaks pour ne rien dire

Posté on 07 Déc 2010 at 11:50

Les multiples rebondissements du Cablegate Wikileaks (dont on ne connaît qu’un pan limité si l’on en juge par la taille de l’« assurance » chiffrée AES256 postée un peu de partout), soulèvent pratiquement autant de questions de sécurité et de morale qu’il n’y a de rapports confidentiels divulgués.
En tout premier lieu, le landernau de la sécurité est en droit de se demander si le moindre fonctionnaire tant du Department for Homeland Security que des Foreign Affairs a entendu parler du sigle DLP. Et si oui, dans quelle mesure les dépêches diplomatiques classées « Confidential » ont-elle pu tomber de manière massive entre des mains peu fiables. Question faussement innocente qui rappelle une « vérité vraie » du métier : ce n’est pas en chiffrant les canaux de communication et en s’encombrant de lourdes procédures d’identification que l’on interdira à un cambrioleur de passer par la porte de derrière pour collecter son butin. Les récentes affaires de vols massifs d’identités bancaires perpétrés sur les serveurs mêmes desdites banques en est l’un des exemples les plus banals. Dans ce jeu flou qui mêle diplomatie, hacktivisme, barbouzerie et divulgation par frustration, il se peut que l’on sous-estime un ingrédient aussi important qu’épicé : la désinformation ou la manipulation par Wikileaks interposé.
La fuite une fois constatée, il est trop tard pour tenter de réagir. Interdire, par décision légale, l’hébergement dans un pays ou un autre, montre à quel point une telle riposte serait à la fois vaine et ridicule. Vaine, car à n’en pas douter, passer d’un cloud Amazon à un cloud OVH, puis d’un cloud OVH à un cloud Russe, Chinois ou Guatémaltèque ne semble pas trop gêner l’équipe de Monsieur Assange. Pas plus que les attaques en déni de service d’ailleurs ou l’effacement du nom de domaine Wikileaks par son propre registrar (lequel se garde bien d’appliquer la même épuration sur ses domaines d’origine cyber-mafieuse). Internet n’a pas de frontière, axiome d’une platitude et d’une banalité affligeante que certains politiques ne semblent pas comprendre. Ridicule, car cette course-poursuite et cette série d’expulsions aurait même pour conséquence de victimiser Wikileaks et lui donner ce sceau de crédibilité et de sérieux que tentent de nier ses « persécuteurs ». Double erreur politique donc, par absence de réflexion. Triple erreur enfin lorsque Monsieur Besson, Ministre de l’Industrie et de l’Economie numérique, tente de trouver une réponse technique à un problème politique. Car de l’interdiction d’un contenu spécifique au contrôle du contenu en général, il n’y a qu’un pas. Légiférer sur la justification d’un filtrage en fonction de critères trop flous pour être précisés (le vol d’information d’un pays tiers ? La mise en cause d’un serviteur de l’Etat par un ressortissant étranger ?) ouvre la porte à toutes les dérives possibles que risquerait d’exploiter un gouvernement moins démocratique que le nôtre. Initialement, la censure d’un contenu sur Internet était justifié par quelques interdits fort rares : incitation à la haine raciale, apologie du crime ou de la violence, révisionnisme (et encore…) et pédopornographie. Plus tard, la détention, diffusion ou publicité d’outils d’analyse réseau et outils de tests, ainsi que la diffusion de musique de variété contrefaite (LCEN, Hadopi, Loppsi) sont venus enrichir la liste des sujets bannis. Avec le succès et les conséquences (techniques) que l’on sait.
La fuite elle-même, sans considérer le détail du contenu et ses implications diplomatiques (on est encore très loin de la Dépêche d’Ems), provoque elle aussi une série de hiatus et soulève autant d’interrogations. A commencer par la confusion qui existe entre l’origine de la fuite et l’exploitation des informations qu’elle contient. Il est normal et légitime que nos confrères journalistes du Monde (entre autres) exploitent ces données à partir du moment où leur véracité est avérée : c’est leur métier. S’ils ne le font pas, d’autres s’empareront de l’affaire, et ce malgré les vitupérations passées et les critiques acerbes de Julian Assange, fondateur de Wikileaks, vis-à-vis de la presse en général, qualifiée par lui de consensuelle, voir coupable de collusion avec les pouvoirs en place.
La provocation de la fuite, quant à elle (ergo le travail de Wikileaks et éventuellement des personnes ou entités qui voient un certain intérêt à ces divulgations), est bien plus discutable. Parce qu’il expose au grand jour la frivolité, le cynisme ou l’égotisme des grands qui gouvernent tel ou tel pays ? Cela n’a rien de nouveau pour qui a lu ne serait-ce que de courts extraits de Tite-Live, de Commynes, de Saint Simon, et de tous leurs héritiers. Peut-on mimer un total étonnement lorsque l’on apprend que « David Cameron manque de profondeur », que « Madame Merkel n’a aucune imagination », que le Président « Amin Karzaï est extrêmement faible », que « Berlusconi est irresponsable, imbu de lui-même, inefficace, et montre un penchant exagéré pour les fêtes »… sans oublier les remarques sur les grands serviteurs de la Nation Française.
Non. La faute d’Assange est précisément de n’être ni Saint Simon ni Commynes, de fournir et énumérer des faits sans réflexion ou très peu, déconnectés de leurs causes et origines, tout comme le ferait un archiviste. Or, le rôle d’un archiviste consiste avant tout à conserver, à préserver, pour qu’une fois les passions retombées, les historiens puissent faire leur travail. Et c’est précisément l’absence de ce « moratoire historique » propre à dépassionner l’analyse des faits qui choque les historiens et fait trembler les politiques mis à nu. Les petites erreurs et bassesses humaines s’effacent devant l’histoire et enflent devant la chronique.
Il ne faut pas voir dans l’affaire Wikileaks une action qui mériterait les foudres de la justice en vertu de textes rédigés pour lutter contre l’espionnage d’Etat. Agiter cet épouvantail et en banaliser l’usage aurait également pour conséquence de menacer l’indépendance de journalistes tentant de faire leur métier, tel Rue 89 ou le Canard enchaîné. Ceux-ci ont déjà assez de mal à pouvoir conserver leurs ordinateurs et la confidentialité de leurs factures téléphoniques. Seraient également compromis le routage et la consultation d’autres sites, pourtant assez éloignés de Wikileaks, tel Cryptome ou Archive.org qui, bien que se réclamant d’une ligne éditoriale radicalement différente de celle fixée par Julian Assange, tomberaient automatiquement dans la même catégorie des « sites qui dérangent ».
Rappelons que le seul mandat Interpol lancé à ce jour contre Julian Assange concerne une affaire de mœurs. Ni le Homeland, ni la Maison Blanche, ni les « Foreign Affairs », les trois principales victimes, n’ont pour l’instant tenté quoi que ce soit d’officiel contre lui.

Cisco automatise la surveillance du Web 2.0

Posté on 07 Déc 2010 at 7:49

Chez Cisco, l’on appelle cette forme de surveillance de contenu du Proactive Social Media Customer Care… et de l’espionnage comportemental chez les défenseurs des libertés individuelles. Techniquement parlant, Cisco SocialMiner surveille les changements de statut des abonnés à un réseau social, fouille le contenu des forums et des conversations entre membres d’un même réseau. Une fois le « contenu » profilé, SocialMiner peut alors déclencher une action précise, qu’il s’agisse de s’immiscer dans l’échange ( your company can respond to customers in real time using the same social network they are using précise la page Web du constructeur) ou bien censurer la conversation en coupant la communication (ce qui peut sembler inique sur un réseau public, mais qui paraît logique dans le cadre d’un intranet d’entreprise en train de concevoir un projet secret). SocialMiner est vendu aux environs de 1000 $ par serveur, et 1500 $ par agent, et s’inscrit dans un ensemble de produits tels que Cisco Finesse, le réseau social d’entreprise Quad et une plateforme d’enregistrement de médias (audio et vidéo).

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