La nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans les salons lambrissés de la Commission Hadopi, dans les couloirs du Ministère des Industries des Divertissements et Variétés, et dans les bureaux du RIAA : un blogueur activiste New-Yorkais serait en train de bâtir un nouveau réseau d’échange de médias et de fichiers à l’aide de clefs USB cimentées dans les murs d’édifices citadins, dans les jointures d’un trottoir, les soubassements d’une pile de pont ou les pieux d’un débarcadère (d’où le surnom de « pier to pier »). Déjà, 5 « dépôts » sont actifs dans Manhattan. La preuve en image est à consulter sur le site du coupable.
Déjà, la connaissance du Savoir Imprimé en dehors de tout contrôle par DRM avait secoué le monde de l’édition. De dangereux irresponsables, qui se désignent eux-mêmes comme des militants du Book Crossing, avaient mis sur pied un véritable réseau d’échange totalement anonyme, rendant impossible la localisation du « téléchargeur » d’ouvrage par une quelconque adresse IP ou le support d’un FAI. Avec cette escalade technologique, avec le remplacement de l’échange-papier par l’échange de fichiers MP3, Jpeg, AVI, MKV et autres supportés par ces sinistres clefs USB camouflées dans le paysage urbain, il devient de plus en plus difficile de mettre la main sur cette population qui cause la ruine des idoles du Top 50, de la Staracc et de la Nouvelle Star réunies.
Les réactions des premiers participants montrent toutefois que les usagers potentiels sont conscients des dangers de ce genre de pratique. Le risque est grand en effet de voir ces clefs utilisées pour y disséminer des virus, tout comme cela est déjà le cas sur les réseaux P2P. L’on pourrait également ajouter que ces sortes de « boîtes à lettre numériques » peuvent être utilisées par des réseaux terroristes ou des espions à la solde d’une puissance étrangère. Elles remplaceraient avantageusement (et avec une capacité bien plus importante) les techniques anciennes telles que le paquet caché sous le côté droit du cinquième banc de la troisième contre-allée de Central Park. C’est du moins ce que confiait à la Rédaction un honorable correspondant de notre DCRI nationale.
A en juger par les « trackback » qui suivent ce billet, le projet risque de prendre une ampleur internationale. L’information a en effet été relayée par la presse Américaine, Allemande, Britannique, Chinoise, Coréenne, Russe, Polonaise, Espagnole, Israélienne, Japonaise, Arabe, Grecque, Hollandaise… Aram Bartholl et son « digital glory hole » (sic) pèse désormais plus de 50 000 citations par requête Google.
Que peut faire l’IRCGN contre une telle menace ? Les conjectures vont bon train. Certains envisagent d’installer une caméra de vidéo surveillance protection DLP DRM en face de chaque clef signalée à la police grâce au secours bienveillant d’un réseau d’informateurs. La Cnil s’interroge sur les dérives liées à la possible géolocalisation des listes d’usagers, et les mouvements de défense du Libre –April en tête- s’insurgent de cette stigmatisation et rappellent qu’une « ISO » de Linux peut être légalement partagée grâce à ce nouveau type de réseau. Les Hautes Autorité de Défense des Droits des Producteurs de Variété en Péril évaluent la possibilité d’installer des « programmes d’infiltration de sécurité » sur les clefs les plus fréquentées, et demande que la prochaine loi de finance accroisse au-delà de la limite des 235% la taxe de dédommagement aux industriels du divertissement pour le manque à gagner aisément prévisible. Les FAI français dans leur ensemble (à l’exception de Free) pensent qu’il sera nécessaire d’entamer une procédure auprès de la DGCCRF pour contrer cette concurrence déloyale. Anéfé, est-il utile de rappeler que ce procédé est en totale contradiction avec les lois légiférant le métier d’opérateur, car il équivaut techniquement à un véritable réseau de communication devant être soumis aux contraintes techniques, fiscales et déontologiques fixées par l’UIT.
Ndlr Note de la Rédaction : Un informateur anonyme vient de prévenir la rédaction de CNIS que cette lèpre numérique serait sur le point de frapper la France. Un connecteur USB de type A mâle aurait été vu dans les joints de la Cinquième Colonne du Ministère de la Marine, place de la Concorde.
Le Sans a titré « activité DDos intéressante autour de Wikileaks », tandis que Netcraft a affiché l’électroencéphalogramme plat de Visa.com, bien entendu bâillonné par le déluge d’un formidable déni de service provoqué par certains supporters de Julian Assange. Cette attaque porte même un nom : Operation Payback, orchestrée via Twitter (compte désactivé dans la matinée du 9 décembre).
De prime abord, il s’agit là d’un acte condamnable à deux titres. En premier lieu, une attaque en déni de service est un acte de cyber-délinquance caractérisé, une méthode de voyou qui met hors la loi tous ceux qui y participent. D’autre part, les responsables de ces actes semblent ne pas goûter le paradoxe de leurs actes. Car, au nom d’une certaine liberté d’expression et d’un combat militant contre l’occultation d’informations, ces « combattants de la liberté » se rendent à leur tour coupable de censure et d’intolérance. Combien d’entre eux ont entendu parler de Voltaire et de son « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire »* ?
Mais à bien y regarder, l’homme sécurité –et cartésien- qui sommeille en chacun de nous se demandera qui, chez Visa, chez Amazon, Mastercard, Paypal ou Postfinance, est en charge d’une réelle politique de sécurité et de l’impact sur l’image de marque, et pourquoi cette personne n’est pas intervenue (ou pour quelle raison son avis n’a pas été retenu) lorsque lesdits organismes ont décidé de prendre leurs mesures « anti-wikileaks ». Car prendre la décision unilatérale de bloquer un compte en banque, une filière de transfert d’argent ou l’hébergement d’un site manifestement militant, c’est s’exposer de facto à ce genre de riposte aussi irréfléchie. Wikileaks possède un atout de taille : son pouvoir de victimisation. Tout acte intenté contre l’institution ou l’un de ses membres sera interprété et médiatisé comme une persécution. Un pouvoir qui est interdit aux banquiers, aux hébergeurs, aux industriels. Qui donc, sans pouffer de rire, serait capable de répéter trois fois de suite « pauvre petit Visa » en caressant l’un de ses Pédégé dans le sens du cigare ?
Le fait serait nouveau que l’erreur serait pardonnable ; mais les précédents, tant politiques qu’hacktivistes, sont trop nombreux pour que ce soit une nouveauté. Visa est tombé sous les coups de ses propres erreurs de jugement. La violence est un apanage d’Etat, qui légitimise ses actes en raison d’une morale, d’une politique ou de sa force. Une entreprise n’a ni la puissance, ni la légitimité d’un Etat, et ne peut donc rendre justice elle-même. Le ferait-elle qu’elle accepterait que la partie adverse agisse de même. Et si les principaux tenants du parti « anti-wikileaks » ont agi dans les limites du droit de leur pays, ils ont commis une énorme erreur politique, celle de ne pas se protéger, se « couvrir » derrière les instances supérieures d’une nation. Elles ont surtout commis l’erreur de tenter de résoudre un problème politique avec une réponse technique.
NdlC Note de la correctrice : phrase totalement apocryphe, mais qui résume dans les grandes lignes une partie de la pensée du patriarche de Ferney, par ailleurs partisan de l’esclavage et défenseur acharné de la pensée gnostique.