La Quadrature du Net éclaire à sa manière l’article 4 de la Loppsi : en invoquant la protection de l’enfance, les députés ont fait passer un texte généralisant le filtrage d’Internet « sans supervision de l’autorité judiciaire ».
Un filtrage inefficace, précisent les auteurs de ce communiqué, car cela ne bloquera en rien les trafics de contenu à caractère pédophile par d’autres réseaux d’échange. Ergo, conclut en substance Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net, la lutte contre les cyber-pédophiles n’est qu’un prétexte pour renforcer le flicage du Net, tout en évitant de s’attaquer directement au problème de fond.
L’on pourrait même s’interroger, de manière plus générale, sur l’efficacité de la méthode prétendument appliquée par la Loppsi. Elle se résume peu ou prou à chasser le «consommateur » et ne cherche pas à protéger les victimes en frappant directement les pourvoyeurs. Dans le domaine de la prostitution ou du trafic de drogues illicites, la traque du client s’est toujours avérée inefficace, tandis que le travail d’enquête sur le terrain visant à remonter les « filières » et ainsi décapiter le réseau est systématiquement payant. En matière de pédopornographie, la question est d’autant plus délicate que la « source » est avant tout une victime, difficile à secourir compte tenu des lourdeurs et lenteurs des procédures judiciaires et policières transfrontières, notamment entre l’Europe et les pays de l’Est.
Cet article 4, à l’instar de bon nombre de dispositions de la Loppsi visant à policer les NTIC, se résume à une tentative de réponse technique inadaptée dans le but de résoudre un problème essentiellement politique… et humain.
Probablement pour éviter tout risque de fuites d’information et toute dépense inutile dans le déploiement d’outils DLP, MM les sénateurs UMP Gérard Longuet et Gérard Cornu ont soutenu et fait voter une loi permettant à l’Etat de vendre à la petite semaine le fichier des immatriculations automobiles (dit « fichier cartes grises »). Un scoop signé Elisabeth Fleury du Parisien.
Demi-scoop devrait-on dire, car cette pratique serait en fait relativement ancienne. L’Etat se serait transformé en « data broker » depuis au moins 1983, avec une discrétion digne des actions classées « confidentiel défense ». Un fait que rappelle d’ailleurs une communication de la CNIL. Plus étonnant encore, cette même Cnil déclare que chaque automobiliste peut s’opposer à ce commerce de données personnelles, car précisément, depuis 2006, « le formulaire de demande de certificat d’immatriculation contient une case à cocher permettant aux automobilistes de s’opposer à ce que leurs données puissent être réutilisées à des fins de prospection commerciale. »
« Une case à cocher permettant de s’opposer »… n’est-ce pas là une clause d’opt-out considérée comme illégale en Europe en général et en France en particulier ?
Dans les colonnes de notre confrère Rue 89, Corinne Lepage, député au Parlement Européen et actuelle présidente de Cap21 (mouvement vert) va plus loin et considère l’ensemble de ces dispositions comme totalement illégales et anticonstitutionnelles. Trois articles de la loi Informatique et Liberté sont clairement violés, explique l’ex Ministre de l’Environnement (quatre si l’on considère l’usage d’une case « opt out » dans les formulaires de demande de carte grise). On espère donc une explication de la Cnil un peu plus circonstanciée qu’un simple « tout va bien, nous avons rappelé le principe de la loi ».