En Australie, pays plus réputé pour la qualité technique de ses usines de kangourous que pour la qualité de sa bière, les patrons d’estaminets se prennent de plus en plus pour des Ministres de l’Intérieur (en activité ou chômage récent) : ils imposent à leur clientèle une prise d’empreinte digitale et le scan d’une pièce d’identité à l’entrée de leur établissement, nous apprend le quotidien SMH. Le tout, comme c’est souvent le cas et pas seulement en Australie, accompagné d’un dress code assez strict pour justifier le refus d’un videur sans risque d’encourir la moindre poursuite pour délit de sale gueule ou discrimination. Mais « çà », c’est presque plus « normal »…
Les identités ainsi collectées numériquement sont, dans certains cas, concentrées sur des serveurs, conservées 28 jours durant (es règles PCI-DSS sont plus strictes que cela) voir indéfiniment si l’intéressé « fiché » est répertorié comme trublion notoire. Une qualification qui, on s’en doute, ne dépend que de l’appréciation du personnel de l’établissement, probablement assermenté et réputé pour sa probité morale et son sens élevé du respect de la personne humaine. Tim Pilgrim, le « Federal Privacy Commissioner » du gouvernement, avoue ne pas avoir le pouvoir d’enquêter sur ce genre de pratique, faute de lois appropriées. L’une des entreprises sous-traitante chargée de cette collecte d’informations précise pourtant que ces identités sont « partagées sous forme d’une liste de fauteurs de trouble, que cette liste soit locale, à l’échelon de l’état, voir nationale ». Comment est-on passé du « Paulo, j’t’appelle un sapin, rentre chez toi, ta femme t’attend » à une infrastructure de flicage pesant probablement plusieurs millions de dollars et entretenue par une milice privée ?
Fort heureusement, en France, de telles choses ne peuvent arriver, puisque nous sommes protégés par notre vaillante Cnil. Les récupérations de données biométriques et d’identités effectuées sans demander l’avis des personnes intéressées sont strictement interdites. Ou alors un tout petit peu lorsque l’intéressé passe devant une caméra de vidéosurveillance, pardon, protection. Ou lorsqu’un opérateur exige la copie d’une carte d’identité pour vendre un abonnement téléphonique, sans préciser la période de rétention de ladite information ni ses conditions de stockage et chiffrement. Ou peut-être lorsqu’une compagnie aérienne impose la communication d’un numéro de carte de crédit associé à un numéro de passeport, dans le seul but de le transmettre aux services de renseignements d’une puissance étrangère. Ou lorsque… non, franchement, ce serait médire que de penser à ces détails, lorsque ces petites contraintes qui nous aident chaque jour à lutter contre les pédo-terroristes cybervioleurs récidivistes (et réciproquement).