Il y a trois semaines, le Gouvernement actuel émettait une proposition de loi imposant le prix unique sur les livres et un abaissement du taux de TVA des ouvrages dématérialisés identiques à celui frappant les éditions papier (5,5%). La question du prix unique va au-delà des clivages politiques, et a autant d’adversaires que de partisans. Les motifs invoqués par nos députés lors des débats dépassent les simples considérations de taxation d’un nouveau type de media. Certains y voient une évolution logique du métier de l’édition, d’autres, très « confiants », y espèrent une existence parallèle, indépendante des circuits de distribution classique (librairies vs vente en ligne). Certains vont même jusqu’à espérer la naissance d’une industrie de services offrant de la « lecture on demand » à partir de bibliothèques situées dans le cloud, industrie dont l’existence n’aurait aucun impact sur les réseaux traditionnels. Ce sont, soit dit en passant, les mêmes qui militent en faveur d’une dépossession de l’ouvrage par l’usager et voient dans le modèle libéral Apple ou Amazon-Kindle un idéal de cyberlibrairie.
Il est coutume de dire qu’en termes d’évolution technologique, de développement industriel, d’évolution positive ou négative d’un marché, les Etats-Unis sont systématiquement en avance de 6 à 12 mois par rapport à l’Europe. Dans le secteur des librairies, le choc entre ouvrages traditionnels et livres numériques se traduit déjà par des situations assez préoccupantes.
Lorsque l’équipe de CNIS-Mag se déplace à San Francisco (comme ce fut le cas à l’occasion de la dernière édition de la RSA Conference), elle se rue traditionnellement et comme un seul homme chez « Borders », > LA librairie située sur Market, l’avenue la plus commerçante de la ville. Un temple de l’édition papier, où la philosophie côtoie le nouveau roman américain d’inspiration « SoCal », et où le rayon Electronique rivalise avec l’œnologie Californienne. Mais finies, les descentes chez Borders. Sur les 19 magasins en activité dans la « Bay », 11 ont été placés en liquidation… dont l’établissement de prestige sur Market. La chaîne, qui compte presque 650 boutiques aux USA, en a fermé 200. Et ce n’est pas fini. Un peu moins d’une centaine de succursales devraient encore disparaître cette année. La même maladie frappe pratiquement tous les concurrents. La faute à la crise ? La faute, affirment les libraires, à l’arrivée des livres électroniques et à la concurrence du On Line, autrement dit de la vente par correspondance proposée par les grands sites marchands. Pourquoi perdre du temps dans une boutique alors que choisir un livre sur Internet est plus reposant, quasiment aussi rapide, bénéficiant d’un fond bien plus large d’ouvrages, et souvent à des prix inférieurs à ceux de la distribution ? Car il n’y a pas de prix unique en Amérique du Nord. Il n’y a pas de prix unique non plus sur la Toile, et ce, dans le monde entier.
De toutes les grandes librairies traditionnelles du nouveau continent, pas une n’a vu son chiffre d’affaires augmenter entre 2009 et le dernier exercice, la plupart accusant même des pertes records. Seule exception : Barnes & Nobles, qui a su limiter la casse, explique un article du SF Chronicle. Et ce n’est pas un hasard. C’est l’un des rares « indépendants » qui commercialise son propre eBook et qui possède un site de vente en ligne performant. La librairie de quartier vit, en Amérique, tant aux USA qu’au Canada, ses dernières heures de gloire, et le livre papier devient peu à peu une chasse gardée maîtrisée par quelques grands cybermarchands, et plus particulièrement Amazon. Le livre électronique, quant à lui, se résume de plus en plus à deux plateformes : Kindle et iPad. Unité de réseau de distribution, unité de plateforme, unité de format de fichier : A côté de ce qui se prépare dans le monde de l’édition, même la fameuse hégémonie logicielle de Microsoft fait figure de cas de conscience pour élève d’école primaire.
Outre le double effet Internet, le livre américain souffre d’un formatage sociétal un peu particulier. Les ouvrages de « référence » constituent un coussin d’affaires assez peu prisé en Europe mais indispensable là-bas : livres miracles pour perdre du poids, pour devenir millionnaire, pour rafler le titre de meilleur vendeur du mois, pour choisir un avocat, pour réparer une canalisation, une automobile ou une installation électrique (les USA sont le royaume du do it yourself compte tenu du prix des industries de service)… De la tarte aux pommes à la réparation des ordinateurs, des citations d’hommes célèbres au « compendium » de la littérature américaine façon Reader’s Digest, on vend du prédigéré factuel par paquet de 500 pages. Or, cette littérature se consomme sur n’importe quel support : papier bien sûr, mais également sur ebook, téléphone, ordinateur portable… du pur contenu acculturel, c’est le lot des ouvrages qui n’ont strictement aucune valeur bibliophilique ou littéraire. Et c’est là que le marché du On Line (dématérialisé ou par correspondance) marque des points. En outre, la chute des ventes s’accompagne d’une baisse conjoncturelle des ouvrages plus classiques, du roman notamment, les nord-américains étant également relativement peu consommateurs d’essais au sens Français du terme.
Economiquement parlant, les éditeurs eux-mêmes se préparent à souffrir. Car la première conséquence de cette série de dépôts de bilan des libraires (ou plus exactement de « chapitre 11 » et du gel des dettes qui l’accompagne) va se traduire par une cascade d’impayés ou d’ouvrages envoyés au pilon. Quand un thésaurus repose sur des contenus conjoncturels, à courte durée de vie, le livre perd très rapidement toute valeur marchande et doit être envoyé dans les usines de pâte à papier après un ou deux mois. Lorsqu’un réseau de distribution s’écroule, les fournisseurs sont généralement les seconds à essuyer les plâtres. Surtout les plus petits, ceux qui ne peuvent accepter les conditions de vente des nouveaux réseaux « en ligne », que ce soit en termes de remise consentie qu’en matière de volume à fournir.
Une légère brise de nouveauté souffle sur le front des escroqueries en ligne. Brian Krebs rapporte que quelques usagers nord-américains ont été visés par une nouvelle forme d’attaque au scareware, ou incitation au téléchargement de faux antivirus : un appel préenregistré, diffusé par Skype, signale à l’intéressé que son système est infecté, et que le téléchargement d’un correctif est nécessaire de façon urgente. L’installation du bouchon en question nécessiterait l’expertise de techniciens travaillant pour le compte d’une certaine société SOSGT, aussi bidon que pestilentielle. Sans surprise, la visite du site en question –fermé depuis- provoque l’affichage de traditionnelles avalanches de pop-up d’alerte prétendant détecter une profusion de soi-disant vers, troyens et malwares en tous genres.
Jusqu’à présent, les tentatives d’escroquerie par appel téléphonique étaient l’apanage de quelques opérations de phishing ciblé, d’attaques en social engineering et de ces fameux « scam Nigérians ». L’ouverture d’un nouveau front sur le créneau des scareware laisse penser que la « profession » cherche à se diversifier. L’on peut noter au passage la réaction on ne peut plus saine d’un des participants au forum Skype qui se demande pour quelle raison un programme VoIP se mêlerait de détection virale.
Les récents évènements en Egypte, Tunisie, Libye éveillent quelques belles pièces d’anthologie dans le domaine du scam nigérian. Les veuves éplorées de généraux disparus et de banquiers en déroute sont en légère augmentation dans nos boîtes à courriel. A noter que bon nombre de ces escroqueries utilisent des boîtes de messagerie souvent hébergées en Pologne (ce qui ne veut surtout pas dire qu’il s’agit là de l’origine des attaques).
Le récent tremblement de terre au Japon, bien que très récent, est déjà exploité de cette manière. Le blog de F-Secure fait remarquer une quasi disparition des attaques SEO (truandage des cotes de popularité des moteurs de recherche dans le but d’attirer des internautes sur des pages compromises). Le mérite en reviendrait notamment à Google qui prendrait très au sérieux ce genre d’intoxication de l’information. Cette profusion d’actualités catastrophistes pourrait cependant profiter aux spécialistes de l’exploit par « faux codecs » interposés, visant les amateurs de séquences vidéo à sensations. Dans l’immédiat, les principales tentatives d’escroquerie se présentent sous la forme de pseudo-ONG lançant des appels aux dons. Le tout étant généralement rédigé en anglais et usurpant l’identité d’organismes peu connus en Europe, l’impact dans notre pays est assez faible.