Marc Rees nous offre, comme à son habitude, un petit bijou de précision et d’objectivité, article intitulé « Hadopi : le streaming, le direct download, les NG et le FTP… Collaboration vers le filtrage ? ». La majeure partie de l’article relate les propos de Christophe Alleaume, professeur à la faculté de Droit et des Sciences Politiques de Caen et chef d’orchestre du « Lab de l’Hadopi » qui planche sur le thème « propriété intellectuelle et internet ». Propos publiés initialement par nos confrères du Nouvel Obs qui ont interviewé le Professeur.
Dans les grandes lignes, ledit comité est chargé de « soulever » des questions sans avoir le pouvoir de les résoudre (Questions notamment sur la technique virale d’incitation au piratage des principaux fournisseurs d’accès, de leur responsabilité, de celle des « fournisseurs de contenu illégal » etc.), charge aux autorités supérieures, respectivement l’Hadopi, le Ministère de la Culture puis le Parlement, de choisir le « point exquis » qui justifiera une nouvelle campagne de surveillance et de filtrage des données transmises par les particuliers et les entreprises. Une sorte de comité de sélection du casus belli. Sont d’ores et déjà en ligne de mire le streaming (technique dans laquelle entrent les communications VoIP/ToIP/Vidéo IP), les transmissions de fichiers en direct et tout autre procédé (attachements morcelés via nntp, ftp etc.). Le tout, il faut s’en souvenir, sans qu’il soit nécessaire d’obtenir la moindre commission rogatoire ou la plus petite signature d’un juge d’instruction. A noter, quelques lapsus très révélateurs publiés par nos confrères du Nouvel Obs, qui, après un titre clair qui indique que ce n’est pas le protocole qui crée la culpabilité, mais l’usage qu’on en fait ( « Le streaming n’est pas illégal »), l’interviewé déclare « Avec le peer-to-peer, tous les internautes de bonne foi étaient conscients de l’illégalité de la chose. Mais cela est beaucoup moins évident avec le streaming» qui exprime exactement le contraire. Le protocole redevient illégal, et non l’usage, ouvrant ainsi la porte à tout type de surveillance de contenu sous prétexte de protection de la « propriété intellectuelle ». Des propos tenus par un professeur de droit dont la portée est lourde de conséquences. Entre les barbouzes de la NSA et celles des services Français, chaque application IP possède son propre canal de fuite.
« Microsoft étant une entreprise des Etats-Unis, elle se doit d’obéir aux lois de son pays tout comme à celles des pays dans lesquels sont situées ses filiales. Mais si le « patriot Act » était invoqué pour des raisons de sécurité nationale, même les données Européennes hébergées dans des datacenters Européens pourraient être communiquées aux autorités américaines… les entreprises ayant signé un contrat avec l’hébergeur pourraient même ne jamais en être averties. Microsoft, pas plus que n’importe quelle autre entreprise US ne peut garantir le contraire » déclarait en substance Gordon Frazer, l’un des patrons de Microsoft UK à l’occasion du lancement d’Office 365, la suite bureautique hébergée « dans le cloud » et officiellement opérationnelle depuis le milieu de cette semaine.
L’article dévoilant ces révélations, signé Zack Whittaker de ZD net (http://www.zdnet.com/blog/igeneration/microsoft-admits-patriot-act-can-access-eu-based-cloud-data/11225), s’inscrit dans la droite ligne des propos tenus par d’autres responsables d’entreprises US (souvenons-nous de Symantec et de sa « cécité sélective » en cas de détection du spyware du FBI Magic Lantern). La conclusion de Whittaker est limpide : « Any data which is housed, stored or processed by a company, which is a U.S. based company or is wholly owned by a U.S. parent company, is vulnerable to interception and inspection by U.S. authorities » ( Toute donnée hébergée, stockée ou traitée par une entreprise US ou filliale détenue par une entreprise US est susceptible d’être interceptée et analysée par les autorités US). Et dire que l’on craignait les conséquences d’une attaque Titan Rain, Night Dragon ou Aurora. C’est toujours çà que les Chinois n’auront pas…