Samantha Murphy, du New Scientist, consacre deux pages du magazine à l’interview d’un membre présumé du mouvement LulzSec. Entrevue toute en finesse, parsemée de questions en apparence anodine, mais qui dressent un portrait sans concession d’un être qui se fond dans l’idéologie et la phraséologie de la « meute », sans s’émouvoir des conséquences de ses actes –bien au contraire- sans même se poser la moindre question sur la causalité ou l’éthique du mouvement. Un subtil mélange entre « j’avais des ordres » et « le parti a toujours raison ». L’un des passages les plus étonnants étant celui où l’interrogé estime qu’il est quasiment préférable pour un particulier d’être victime d’une « exposition » publique de ses données personnelles par le clan LulzSec que par des organisations mafieuses. La frontière entre le « pouvoir d’indignation » et le « coup de main de milicien » n’existe plus. C’est d’ailleurs sur cette absence d’analyse et de mesure témoignée par les attaquants qu’exploitent à plaisir les « victimes » qui, malgré l’impéritie de leurs politiques de sécurité, ne se gênent pas pour jouer les victimes et demander des lois et des sanctions.
Cette « double culpabilité » qui caractérise chacun des deux camps, Cédric Blancher la décrit avec une méticulosité désabusée. Le Lulz est le pendant démoniaque du délabrement –ou du j’menfoutisme- de certaines directions informatiques, voire de certaines directions « tout court ». Mais à quoi est dû ce lent pourrissement des défenses des S.I. du secteur industriel ? Les coûts d’équipements ? La quête d’économies à tous prix ? L’âpreté de la compétition des marchés ? Peu probable. Lorsque la patrie-entreprise est réellement en danger, les crédits mettent peu de temps à être débloqués. Et si le monde du commerce est une guerre économique perpétuelle, il est logique que les boucliers constituent une première ligne de défense.
Il y aurait bien une explication, pourtant. L’interventionnisme constant des Etats-Providence qui volent en permanence au secours des rouages de l’économie libérale. Si Sony en appelle à un durcissement des lois contre la cyberdélinquance, c’est probablement parce que cette entreprise est habituée à ce que les politiques réagissent en ce sens, par instinct populiste, pour des raisons électoralistes… Un Etat qui « cocoone » les plus beaux fleurons de son économie, qui semble se substituer à leurs défenses naturelles, mais qui en fait ne vise que sa propre survivance politique. Une telle hypothèse ne peut plaire à personne, car tous les membres de ce ménage à trois sont également –et à la fois- dupes et coupables.