Beaucoup de médias ont glosé sur le sujet, l’article de Daily Dot résume parfaitement les évènements : le Parlement Européen a sérieusement revu la copie d’un projet visant à condamner la pornographie en général et la pornographie sur Internet en particulier.
Que des haut fonctionnaires passent leur temps à s’interroger sur des questions morales en ces temps de plus en plus pudibond et réactionnaire est un fait sociologique qui n’étonnera personne. Ils ne font là que reproduire les tendances des mouvements politiques populistes qui jouent sur une propagande simpliste visant à dénoncer des « vecteurs de décadence » à l’origine des maux de notre société. Que les parlementaires aient eu la sagesse de limiter ces dérives est quelque peu rassurant. Car il ne faut pas perdre de vue que le mot « pornographie » est généralement le premier utilisé par les dictatures et les régimes autoritaristes pour condamner, au nom d’une prétendue règle morale non écrite, les piliers d’une pensée orthodoxe. Des procès Staliniens et Hitlériens aux Fatwa intégristes toutes religions confondues (souvenons-nous de l’Inquisition Espagnole*), le terme de pornographie a été et est encore invoqué chaque fois qu’une censure difficilement justifiable est imposée.
Pour la communauté sécurité, la question est d’autant plus importante qu’elle a déjà eu, par le passé, des rebondissements politiques assez graves, ainsi le fameux « porno gate » Helvétique. C’est également sous de fallacieux prétextes de contenu pornographique qu’Apple a, à plusieurs reprises, interdit de son catalogue des ouvrages jugés licencieux, nonobstant leur caractère quasi historique et littéraire (le Kâma-Sûtra en fit les frais notamment, ainsi que l’ensemble des publications classiques de la collection Gutenberg). Amazon, pour sa part, a dû plusieurs fois essuyer les foudres et les tentatives de procès de quelques mouvements de pression puritains d’Amérique du Nord, lesquels demandaient le retrait de certaines publications « osées ». Pour l’heure, l’administrateur réseau n’a pas encore trop le devoir de surveiller les contenus roses qui circulent sur son infrastructure : seule la notion d’abus de bien social dicte raisonnablement ses obligations métier. Quant aux diffuseurs de contenu, le choix d’éditer, de publier, de diffuser une œuvre licencieuse relève des seules règles morales de l’éditeur et de son réseau de distribution. Graver ces limites dans l’airain des lois serait, tant pour la liberté de la presse que pour la démocratie elle-même, le signe d’une régression notable et marquerait une victoire dans le camp des pères-la-pudeur et adversaires des penseurs libertins. Penseurs libertins, rappelons-le, qui sont intimement liés à la naissance même de la démocratie et à l’histoire du siècle des Lumières.
*NdlC Note de la correctrice : Celle que personne n’attend, comme aurait précisé le Cardinal Fang.