Le sujet était sensible et l’affaire fut rondement menée. La mission Lescure, dirigée par un des principaux alliés objectifs de l’industrie du Cinéma et des sociétés de divertissement est parvenue à botter en touche : Hadopi est fermement maintenue même si elle rejoint a priori le giron du CSA, parée du prétexte de la Culture. Des changements purement cosmétiques qui ne modifient en rien un système établi par le gouvernement Sarkozy et maintenu contre vents et marées par le gouvernement Hollande, et qui fait dire à sa principale marraine, Christine Albanel, « l’essentiel de l’Hadopi est préservé » (via nos confrères d’Acteurs Publics ).
L’abandon du pouvoir régalien de police au profit d’entreprises spécialisées dans la délation n’est apparemment pas remis en cause, les grands centres de profits des professionnels du piratage hébergés à l’étranger ne sont pas inquiétés. Le train de mesures est même renforcé avec l’invention d’une énième taxe sur la copie privée prélevée sur le prix d’outils connectés à Internet, smartphones et tablettes y compris. La suspension de l’abonnement Internet, mesure à la fois impopulaire et économiquement désastreuse car susceptible d’impacter le chiffre d’affaires des fournisseurs d’accès, pourrait être remplacée par une amende forfaitaire de 60 euros. Ce qui permettrait d’intensifier les sanctions et de compenser les menus extras que l’actuelle commission Hadopi dépense en salaires, en loyers parisiens et autres frais d’études justificatives.
A ces rentrées d’argent viendrait s’ajouter une taxe aux terminaux connectés, que l’on soit pirate ou non, que l’on soit téléchargeur compulsif ou non, en d’autres termes, un « impôt internet » dans la continuation des taxes au support de stockage.
A noter une réaction de l’April sur la supervision des DRM associés aux offres légales. Ces fameuses menottes numériques qui entravent tant les usagers payants et dont se moquent les consommateurs de contenus piratés constituent un risque majeur dans la transmission d’un patrimoine culturel familial (car il s’agit bien de culture dans ce cas précis). Car les DRM sont applicables à tout support numérique, de Britney Spears à l’intégrale des œuvres de Balzac. Dans un cas, les DRM protègent une simple production industrielle et commerciale, dans l’autre, elles interdisent la transmission d’un savoir. Prospective d’autant plus probable qu’il existe actuellement un mouvement de prétendants-Ayant-Droits qui cherche à assimiler à une œuvre de création la saisie numérique d’un livre, que celui-ci appartienne au domaine public ou non. En ne regardant le monde des médias dématérialisés que par le petit bout de la lorgnette des divertissements et du business, la mission Lescure pourrait bien provoquer des remous qui ne seront visibles que dans 5 ou 10 ans.