De notre correspondant de guerre en Cyberland. Le gouvernement Cameron vient de nommer un « super-représentant des barbouzes » chargé d’établir des liens de collaboration étroits entre les services de Grande Bretagne et les institutions Fédérales et organisations privées des USA. Le Register précise qu’entrent dans la seconde catégorie les fournisseurs de services de services en ligne, qui « amélioreront l’accès aux données ainsi que leur partage, tant à courte échéance que sur le long terme ». C’est à Sir Nigel Sheinwald qu’échoit le très honorable titre de « Monsieur Prism bis » et la tâche de « renforcer les accords passés et assurer un accès fiable ». En d’autres termes, malgré les protestations de pure forme des Microsoft qui trainent à séquestrer des données au profit de la justice US, des Yahoo qui révèlent les pressions de la NSA ou des Apple qui brandissent de façon aussi tapageuse qu’épisodique des « canaris de sécurité », les accords à l’amiable sont à la mode entre les 5 Eyes et les boutiquiers du numérique. Open Data est une expression en langue Anglaise qui semble signifier « données ouvertes à la discrétion entière et exclusive des services de renseignements ».
En France, l’Open Data est d’un tout autre genre, nous apprend le Figaro, puisque le Ministre Fleur Pellerin part en croisade pour que le fond de la Bibliothèque Nationale puisse être accessible sur Data.gouv.fr et que les données personnelles des citoyens ne partent pas dans le giron des Google et Facebook. Est-il nécessaire d’espérer pour entreprendre ? Ce credo est affirmé par une « déclaration universelle des droits de l’homme numérique » qui précise que (dito nos confrères du Figaro) « Nulle entité, publique ou privée, ne doit utiliser des données personnelles aux fins de manipuler l’accès à l’information, la liberté d’opinion ou les procédures démocratiques ». Il y a plus de 10 ans, Jean-Noël Jeanneney, qui fût précisément Président de cette même BNF, tirait à boulets rouge contre ces mêmes Google, accusé de chercher à s’accaparer le patrimoine culturel national (par numérisation intensive des fonds Français notamment), et soupçonné de ne présenter via Internet qu’une vision américano-centrée, une pensée unique libérale… ergo une « manipulation de l’accès à l’information » interférant avec la notion de « liberté d’opinion ». « Trop tard », dirait-on en langage populaire. Cela sans oublier la quasi impunité fiscale dont bénéficient ces entreprises. Le précédent Netflix (tout comme le précédent Google -) montre à quel point les différents qui opposent les membres de l’Union Européenne servent les visées des entreprises étrangères.
Ces discours et hautes considérations culturelles sont à rapprocher de celui tenu il y a moins d’une semaine par le Député Claude Gloasgen en préparation au projet de loi sur le terrorisme. Un discours qui compte six fois le mot « guerre », et dans lequel l’on note des petites phrases telles que « Je crois, même si je le regrette, que la situation va devenir suffisamment grave, et il faudra certainement des lois d’exception » et « En 2005, un social-démocrate anglais qui s’appelle Tony Blair a établi en Angleterre le control orders. En réalité, c’est ce que nous allons devoir faire ». Si la chose se comprend bien en matière de police traditionnelle, elle semble plus douteuse sur le terrain de la défense du territoire numérique. Les lois, d’exception ou non, sont limitées aux frontières d’un pays. Côté défense du territoire numérique, il n’existe guère plus de véritable Ligne Maginot qu’il n’en existe sur le terrain fiscal, culturel ou politique.
C’est là que réside toute la différence entre un Royaume Uni qui s’allie et s’intègre totalement dans la géopolitique du « Grand Large », et une Europe qui affirme son identité culturelle et son indépendance numérique en utilisant un arsenal 100% « made in USA » et dont le contrôle est également 100% « made in USA ».