Le patron du FBI James Comey vent debout contre les nouvelles politiques de chiffrement systématique et non biaisées d’Apple et de Google, ce n’est pas nouveau. Mais cet incessant leitmotiv dans les discours du premier flic des Etats-Unis commence à prendre une teinte de « politique générale » et utilise de plus en plus des ficelles de manipulation de masse que l’on n’avait plus entendu depuis la période Jo McCarthy et la chasse aux sorcières. Et le Register de rapporter « nous ne voulons pas utiliser de « porte dérobée », mais avoir un plein et légitime accès « par la grande porte », avec clarté et transparence, dans le cadre de procédures légales ». C’est un appel direct à l’instauration d’un mécanisme normalisé d’écoute directe, une disparition totale de la confidentialité de la correspondance privée. Si, comme le font remarquer nos confrères du Reg, Comey oublie de mentionner de quelle manière ces « grandes portes » demeureront fermées face aux assauts des pirates de tous bords (NSA y comprise) il fait preuve également d’une totale amnésie sélective quant à l’usage intensif des métadonnées accompagnant lesdites communications et qui, lui, n’a jamais cessé et n’est pas impacté par les politiques de chiffrement des éditeurs. Ce que demande Comey n’est ni plus ni moins la reconnaissance d’une sorte de droit systématique à l’écoute.
Robert Graham d’Errata Sec, que l’on peut difficilement taxer de dangereux gauchiste démocrate, reprend les tournures de phrase du patron du FBI pour mieux en déconstruire les mécanismes et faire apparaître les fondements extrémistes de ce double langage. Comme certains Premiers Policiers de France il n’y a pas si longtemps, les ficelles sont les mêmes : terroristes, protection de l’enfance, respect de la loi, dangers des idéalistes à la sauce Snowden, défense de la Liberté (au singulier, et non pas des libertés, ce qui sous-entend peut-être une seule et unique conception de la liberté). Le tout pour enfin conclure « règlementer ce far-west qu’est le milieu… des opérateurs téléphoniques ». Car conspuer Internet, même James Comey l’a compris : c’est dangereux pour l’image de marque. Tandis que tirer à bout portant sur un quarteron d’entreprises ultra-bénéficiaires, voilà qui a peu de chances de provoquer ni des descentes d’Indignés dans la rue, ni de victimiser des patrons qui font rouler limousine et appartiennent au club fermé des « public » cotées aux Nasdaq ou au Nyse. De cette manière, très peu de personnes se sentant directement concernées, une telle proposition de loi (car c’est là l’objet de cette campagne) a de très grande chance d’être approuvée dans l’opinion publique. Et ce genre de « paquet télécom » à l’Américaine aura sans aucun doute, s’il est un jour approuvé, des conséquences incalculables sur la confidentialité déjà bien compromise des communications en Europe.