50 propositions du Conseil d’Etat visant à pacifier Internet, ces technologies qui « dérèglent les conditions d’exercice des droits fondamentaux et les mécanismes traditionnels de leur conciliation ». Une telle introduction donne le « la » des doctes avis du Conseil. Selon ce rapport, la notion même de neutralité du Net (si tant est qu’elle puisse exister) est « a priori » une notion qui doit être relativisée en fonction des nécessités de gestion du trafic. Une sorte de cote mal taillée qui ménagerait tantôt les usagers pour que ceux-ci ne souffrent pas trop d’une dégradation manifeste des services, tantôt les opérateurs qui auraient la possibilité de facturer les gros consommateurs de bande passante… Des opérateurs, rappelons-le, qui ont lancé leur business Internet sur l’incitation au piratage et à l’usage massif des techniques de téléchargement. Cette question avait déjà été soulevée, il y a plus de 20 ans, par les responsables d’infrastructure Internet avant même que les grands fournisseurs de services ne fassent leur apparition. Mais à l’époque, il était plus important d’établir des accords de peering et de voir en Internet une formidable vache à lait qui aurait permis de facturer l’information à la fois au « temps » et au « paquet ». Nul sénateur, ni aux USA, ni en France, n’avait alors pensé se pencher sur la question. Une certaine réactivité aurait pourtant permis d’éviter précisément les problèmes de tentative de mainmise qui se posent aujourd’hui, ainsi que les questions relatives à la neutralité du Net, à la souveraineté des réseau d’opérateurs nationaux, à la sécurité des grands concentrateurs de données nationaux ou Européens (services Cloud « souverains »), et aux bénéfices et dangers liés à l’analyse des données massivement collectées (Big data).
La situation n’est toutefois pas totalement désespérée, puisque le Conseil d’Etat vient de comprendre qu’en matière d’analyse, la neutralité des données était une illusion et la notion d’anonymisation un leurre. Il recommande toutefois d’imposer, par des dispositions légales, un cadre stricte de l’usage des outils de calcul prédictif… mais à quoi donc peut servir une loi lorsque l’acte est commis en dehors de nos frontières, dans des pays qui font du big data un big business, et qui vendent de l’analyse comme d’autres des produits manufacturés ? Ce qu’Isaac Asimov n’avait pas pu prévoir, en 1942, c’est que ce qu’il appelait la psychohistoire (et que l’on nomme aujourd’hui Big Data) ne serait pas un moyen de défense des citoyens contre des états de plus en plus autocratiques, mais l’arme principale de ces mêmes états autocratiques au dépend de leurs citoyens. Mais tout ceci n’est que de la politique-fiction, bien entendu …