Cette incongruité a été remarquée par l’équipe de F-Secure : sous prétexte de renforcer ses « procédures de récupération de mot de passe oublié » (les fameuses questions secrètes), Apple bombarde ses usagers sous un déluge de demandes dignes de l’inquisition Espagnole.
Mais si nul ne s’attend à voir surgir le cardinal Fang, personne, ou presque, n’est étonné par ces demandes totalement déplacées et destinées à profiler les origines sociales de chacun. Quel est votre livre d’enfance favori, le métier dont vous rêviez, votre première voiture, votre groupe musical préféré en primaire ou durant votre cycle secondaire, quel fut votre premier voyage en avion, dans quelle rue avez-vous grandi….
Entre la Rue de la Paix et la place Maurice Thorez, le coupé Midget offert par père et mère et la carcasse de Xantia acquise à force de petits boulots, les albums de Mickey ou les contes de Rudyard Kipling, des montagnes de marqueurs sociaux et de prédestination prouvent à quel point l’on apprécie la lecture de Pierre Bourdieu dans les open-space de Cupertino. Il n’y a guère de différence entre cette façon d’agir et ces politiques qui, il n’y a pas si longtemps, souhaitaient ficher les enfants dès les classes maternelles afin de faciliter la détection des germes de la délinquance.
L’utilisation de l’alibi sécurité est tout aussi choquante. Car conduire, sous prétexte de protection, une véritable attaque en ingénierie sociale est totalement inexcusable. D’autant moins excusable que précisément, ces fameuses « questions secrètes » sont depuis longtemps répertoriées dans la catégorie des « failles majeures » largement exploitées par les spécialistes du vol d’identité. Parfois, ces détournements donnent lieu à d’amusantes découvertes, ainsi la publication des emails de Sarah Palin. Ce prétendu second facteur d’identification est un véritable danger, le mettre en œuvre dénote d’un manque de sérieux sur le sujet de la confidentialité des identités clients.
Aux amoureux d’Apple qui souhaiteraient malgré tout bénéficier de ce second facteur, nous ne saurions trop leur recommander de répondre de manière décalée. A la question « quel fut le premier film que vous avez vu » répondez la Comédie Humaine de Balzac. « Dans quelle ville vos parents se sont rencontrés ? », mais à 14H45 bien évidemment. Notre première automobile était une paire de charentaises, notre surnom d’enfance était Ford Prefect et notre groupe de musique préféré était 42, cela va sans dire.