Entre les hacks probables, les hacks supposés, les hacks fantasmés et les hacks réels, difficile d’estimer l’influence des NTIC dans les élections présidentielles US. Ce qui est certain, c’est que cette formidable comédie humaine a montré qu’il n’y a guère plus loin du Capitole de Washington à l’ordinateur que d’un autre Capitole à la roche Tarpéienne.
« Hacker » les esprits, le principe en avait déjà été acquis et mis en application par Barack Obama lors du mandat de 2008. Ce fut probablement le premier Président à avoir largement exploité les réseaux sociaux (principalement Facebook), recouru à l’usage massif de « call center » chargés de rameuter ses ouailles en exploitant les ressources de la base de données des sympathisants Démocrates Catalist, et encouragé le lobbying numérique en sa faveur. Il faut dire que d’autres Démocrates, le tandem Bill Clinton/Al Gore, avaient déjà préparé le terrain et popularisé Internet, un outil que leurs adversaires Républicains ont boudé durant tout le début des années 2000. Un retard vite rattrapé, puisque l’affrontement Donald Trump/Hillary Clinton s’est rapidement transformé en bataille informatique rangée, émaillée de coups bas, de fausses informations, de propos violents et outranciers, tant d’un côté que de l’autre. Mais la palme de l’info bidon semble nettement avoir profité au candidat républicain, et pas seulement du fait des plus fanatiques de ses partisans. Début novembre, Buzzfeed expliquait comment s’était créé, en Macédoine, une kyrielle de sites pro-Trump utilisant les méthodes les plus racoleuses pour « faire du hit ». Les Webmestres de ces diffuseurs de news aussi haineuses que fausses ne poursuivaient qu’un but : le chèque de fin de mois assuré par Google Adsense, chèque proportionnel au nombre de visites d’internautes.
Facebook,principal relais de ces fausses informations, a été soupçonné par certains médias d’interférer activement dans le cadre de la campagne électorale. Des accusations démenties par son patron, Mark Zuckerberg (dixit Gizmodo ). Mais, par mesure de prudence et de neutralité, les directions de Google et Facebook se sont lancées, révèle l’agence Reuter, dans une grande opération de nettoyage visant à supprimer tout revenu publicitaire aux sites publiant des informations calomnieuses. Mais un peu tard, les élections étant achevées.
Se réclamant tantôt organe de presse lorsque cela les arrange fiscalement ou législativement parlant, mais également opérateur de service ou business « décomplexé » quant au contenu véhiculé, les grands réseaux sociaux tentent de se dégager de toute responsabilité selon le sens que prennent les vents politiques, fiscaux, techniques ou légaux. Leur responsabilité dans le jeu électoral est cependant indéniable, tente de prouver une récente analyse du cabinet d’analyse Pew Research Center. Selon cet observatoire des médias US, 62 % des citoyens d’Outre Atlantique tirent aujourd’hui leurs informations quotidiennes des réseaux sociaux. Les sources les plus consultées sont, sans surprise, Reddit, Facebook et Twitter. Pis encore, 64% des personnes interrogées ne consultent qu’un seul site, et 26 % deux sites seulement. Le reste de l’étude sonne comme un enterrement de première classe des médias traditionnels, de la pluralité et du contrôle de l’information.