La presse américaine salue avec une joie non dissimulée la disparition d’Atrivo, hébergeur américain peu regardant et héritier –involontaire ou non- des clients du RBN ( voir articles précédents) . Plus ou moins à l’origine de cette disparition, Brian Krebs, du Post , qui fut l’un des premiers à dénoncer cette résurgence spammesque dans le paysage Internet États-Unien. Dan Goodin, le jeune correspondant Côte Ouest du Reg, commente également l’affaire, tandis que Nick Chapman, de SecureWorks, rédigeait une véritable saga prémonitoire sur le sujet au tout début de la semaine dernière.
Dans les faits, la disparition d’Atrivo est la conséquence directe de la coupure de réseau effectuée par son « fournisseur de tuyaux », PIE (Pacific Internet Exchange). Atrivo est donc mort de n’avoir pu respirer… l’on pourrait en faire une chanson. Une chanson sans morale, estiment beaucoup, car est-ce le rôle des acteurs d’Internet de faire leur propre justice ? Chapman, au fil de son billet, faisait référence à une contribution sur Nanog de Steve Bellovin et de Matthew Petach. En agissant ainsi, PIE crée un précédent, et fait endosser aux opérateurs d’infrastructure un rôle de censeur et de gardien de la morale Internet. En vertu de quel principe ? S’interroge Bellovin. Et selon quels critères ?
A l’aube des années 80, l’on se posait déjà cette même question. A une époque où l’utilisation commerciale d’Internet se traduisait rapidement par un bannissement des DNS, il était déjà question de savoir si des sites offrant (sous Gopher ou Telnet) des contenus révisionnistes ou racistes devaient être cloués au pilori. Vaste débat sur le sexe des anges. D’autant plus vain que, généralement, le site « coupable » aux deux sens du terme se situait, et se situe encore, sous une juridiction différente de celle du plaignant. Et quand bien même cette juridiction serait compétente –c’est précisément le cas de l’affaire Atrivo vis-à-vis de la justice Fédérale- qu’il ne serait pas évident d’espérer une conclusion rapide par un musellement du site mafieux. De jugements en pourvois, d’erreurs de procédures en exhumation de jurisprudence, les appareils judiciaires occidentaux sont, dans leur état actuel, assez mal adaptés pour lutter contre la cyberdélinquance et son agilité caractéristique.
Pour l’heure, exit Atrivo. Ce qui soulève deux questions : chez qui vont réapparaître les « clients historiques » de ce défunt hébergeur, et combien pèse le pouvoir de la presse comme celui de la justice dans le pays qui se fera finlandiser par EstDomains et ses frères siamois.