Rod A. Beckstrom vient d’être nommé Président de l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), le principal organisme de gestion et de régulation d’Internet et notamment des grands « top level domains », ou suffixes des adresses Internet. Une information diffusée notamment par nos confrères du Reg. Beckstrom était précédemment cyber-patron du Department for Homeland Security, le DHS américain, puis directeur du National Cyber Security Center. On est très loin des premiers gourous universitaires qui présidaient aux destinées de l’Icann dans les années 80.
En plaçant à la tête de l’Icann un parfait produit de l’administration sécuritaire US, la Maison Blanche marque indirectement son désir de voir pacifier la gestion du monde IP. Une pacification qui n’a aucune chance de s’opérer dans la douceur et dans l’allégresse. Car l’Icann, depuis la mercantilisation d’Internet au début des années 90, est en butte à un nombre croissant de pressions. A commencer par une contestation de plus en plus forte de la part des Européens, qui aimeraient bien voir tomber une partie de la mainmise US sur l’administration du réseau des réseaux. Une sorte de collégiale, de conseil international des sages…. Bref, une Société des Nations des télécommunications IP. Une ouverture qui ne serait pas franchement une atteinte à la toute puissance américaine tant que la gestion primaire des TLD et de « root » est toujours techniquement sous la main de Washington.
Beckstrom devra également résister –ou non- aux lobbys des marchands du Net, qui militent en faveur d’une extension des TLD, extension telle qu’elle permettrait de voir apparaître des suffixes de « raisons sociales ». Une telle tentative fut opérée et avorta dès les débuts d’IP, alors qu’il était question de concéder aux premières entreprises pionnières des « passe-droits » leur autorisant à arborer un « .Sun » ou un « .IBM ». Cette demande est à rapprocher des réclamations faites par tous les pays n’utilisant pas l’alphabet romain (écritures cyrillique, grecque, arabe, japonaise, chinoise…) dont la translation nécessaire pourra considérablement faciliter la vie des cybersquatters et typosquatters –qui profiteront des « vraies-fausses analogies » possibles entre deux alphabets- . Accepter des alphabets non « us-ascii 8bits » pourrait être perçu comme un signe d’ouverture par certain… ou une forme de régression très nette, une manière de créer une multitude de bulles ethniques et communautaires qui feraient s’écrouler la tour de Babel anglophone que sont le Web, l’email et ses quelques centaines de protocoles voisins. L’arme idéale pour les nations qui rêvent d’un internet filtré et géographiquement limité.