Parmi les étranges coutumes chamaniques qui empreignent la société nord-américaine en général et celles des Etats-Unis en particulier, celle qui consiste à demander à un quidam d’avouer les choses les plus inavouables semble de loin la plus curieuse. Cette fausse candeur n’a d’autre but que de faciliter le travail des juges d’instruction en cas de flagrant délit, puisque toute dénégation antérieure transforme ipso-facto l’incartade en « felony » et le crime en « crime avec préméditation ». C’est tout de suite plus cher. Ainsi, les formulaires douaniers demandant aux touristes s’ils ont appartenu dans leur folle jeunesse à une organisation Nazie, si leurs intentions sont ou non de trucider le successeur en place d’Abraham Lincoln, ou si, à une certaine époque, eux ou l’un de leurs proches avait acheté un sandwich jambon-beurre à la dernière fête de l’huma.
Cette tradition est fidèlement entretenue et continue de figurer en première place des traditions Etats-Uniennes. Ainsi, remarque Concurring Opinions, cette clause de contrat que comporte la EULA d’iTune, et qui interdit son usage aux terroristes localisés dans les pays mis à l’index par les Ministères du Commerce ou de l’Economie. Chez Apple, si l’on sait que la musique vendue en ligne pouvait enrichir les actionnaires de Cupertino, l’on doit également penser qu’elle est incapable d’adoucir les mœurs.
Par mesure de prudence, le contrat insiste : « You also agree that you will not use these products for any purposes prohibited by United States law, including, without limitation, the development, design, manufacture or production of nuclear, missiles, or chemical or biological weapons »
Si d’aventure un lecteur de Cnis-Mag pouvait indiquer à la Rédaction par quel miracle d’ingénierie inverse l’on pouvait fabriquer un missile thermonucléaire, une bouteille de gaz moutarde ou des cultures de toxine botulique à l’aide d’un Buffer Overflow affectant iTune, nous nous ferions une joie de publier par le menu les détails de cette recherche. Ce constituerait, pour la science informatico-physico-biochimique, une avancée spectaculaire et la promesse certaine d’un Nobel à courte échéance.
Mais il y a pire encore. Bruce Schneier sur son blog, Slashdot, RawStory … tous s’extasient de cette mise en application officielle d’une loi d’Etat Sud-Carolinienne obligeant les organisations subversives à s’enregistrer auprès de l’Administration (Amis terroristes, attention, les frais administratifs s’élèvent à 5 dollars). Qui donc doit s’inscrire ? « chaque membre d’une organisation subversive, ou organisation assujettie au contrôle d’une puissance étrangère, d’un agent étranger, ou toute personne professant, militant, promulguant ou se faisant une règle de souhaiter contrôler, s’emparer du ou renverser le pouvoir du gouvernement des Etats-Unis . Voilà qui va singulièrement faciliter la tâche des contre-espions, des chasseurs de terroristes et des G-men de tous crins. Las, les futurs épisodes de « 24H Chrono », de NCIS ou de DHS vont prendre un coup de vieux. Un Jack Bauer qui met à l’ombre d’un seul coup 150 membres d’Al Quaida en consultant l’annuaire des associations terroristes de Carline du Sud, sans poursuite de voiture, sans fusillade, sans prise d’otage, sans torture, sans rébellion, sans hiérarchie jugulaire-jugulaire, mais avec un simple coup de fil, ça va pas nous faire péter l’audimat. Ayons également une pensée émue pour ces pauvres fonctionnaire Caroliniens qui, par les temps terroristes qui courent, vont être débordés dans les mois qui viennent par le traitement des milliers de formulaires que rempliront civilement des conspirateurs de tous crins.