Le 4ème Forum International sur la Cybercriminalité qui s’est tenu à Lille du 31 mars au 1er avril, marquait le début d’une ère nouvelle. Ce cycle de conférence orchestré par la Gendarmerie Nationale, dont l’accès était autrefois réservé à un « club d’initiés », s’est transformé en vitrine de la politique sécuritaire des différents pays d’Europe, en plateforme de « sensibilisation » à l’attention notamment des responsables d’entreprises et patrons Sécurité des grandes administrations et entreprises moyennes et artisanales, pour la plupart locales.
Comme par le passé, l’on pouvait noter une forte présence des frontaliers, entrepreneurs et fonctionnaires Belges et Luxembourgeois, sans oublier la participation de cybergendarmes provenant des différents pays d’Europe physique. Au total, plus de 2200 visiteurs et orateurs, soit une fréquentation doublée par rapport à l’an passé.
Mais contrairement aux trois années précédentes, nul Ministre de Tutelle n’était présent pour ouvrir la « plénière » d’ouverture. Absence compensée par un discours transmis et lu par Jean-Michel Bérard, Préfet de la région Nord-Pas de Calais. Des paroles attendues, sans surprise aucune, appelant à renforcer la collaboration des services de police et la circulation de l’information entre les différents pays d’Europe, et insistant sur la montée en puissance de la cybercriminalité en général et de la pédopornographie en particulier. Une croissance du « mal » qui justifie à elle seule toute l’acceptation de la Loppsi (alias Lopsi 2) et du bien fondé des blocages rapides des sites considérés comme dangereux par les forces de l’ordre. Les historiens apprécieront. Aucun journaliste présent à ce moment n’a pu s’empêcher de relever l’argument définitif de Monsieur le Ministre de l’Intérieur« il est urgent d’agir […] l’efficacité est dans le pragmatisme, il ne faut pas renoncer parce que la solution n’est pas absolument parfaite».
C’est donc sur l’air de « la patrie Internet est en danger » qu’enchaînait le Général de gendarmerie Marc Wattin-Augouard : « Internet ne doit pas être le Far West : il faut un protecteur du faible contre le fort. La cybercriminalité n’est pas la prolongation d’une criminalité classique, elle est en rupture profonde […] la cyberguerre a commencé. Il faut adapter notre dispositif à la cyberdéfense, le droit international doit évoluer ». Far West, Cyberguerre justifiant toutes les réformes… autant de termes légèrement plus nuancés par d’autres spécialistes de la question, Anssi en tête, pour qui la cyberdélinquance se manifeste tout au plus par des successions de cybertattaques d’origines mafieuses. Mais de cyberguerre, point. Peut-être, à la rigueur, a-t-on assisté à de telles escarmouches quasi militaires à l’occasion du conflit Russo-géorgien, difficiles à prouver d’ailleurs. Quoiqu’il en soit, ce sont là des termes anxiogènes, des épouvantails agités par des journalistes en mal de sensationnel … peut-on même parfois s’entendre dire.
Difficile de se retrouver dans cette dialectique à géométrie variable. Les choses étaient parfois plus claires au fil des « ateliers », exposés-tables rondes organisés autours de thèmes précis. Exception faite de quelques débats non-contradictoires (tels que celui, très convenu, sur la « lutte sur les téléchargements illégaux »), les exposés dressaient un tableau objectif de la cyber-délinquance début 2010.