Vives réactions, en ce début de semaine, de la part de plusieurs députés Européens, qui s’élèvent contre le manque de transparence des négociations sur l’Acta (Anti-Counterfeiting Trade Agreement) conduites en secret par le commissaire européen au Commerce, Karel de Gucht. Le Monde, la RTBF, le Point, le Nouvel Obs traduisent l’exaspération du Parlement devant l’opacité des décisions de l’exécutif, un exécutif qui s’est cru tenu au silence simplement parce que « les autres parties stipulent que les textes ne peuvent pas être divulgués ». Rappelons que les autres parties en question sont essentiellement des entreprises et des associations de lobbying relevant d’entités de droit privé, voir d’instances non-européennes, et dont les « stipulations » n’ont pas force de loi.
Rappelons qu’Acta est un ensemble de dispositions visant à instaurer au niveau mondial une « riposte graduée » antipiratage autant ou plus répressive que la loi Hadopi Française. Le pouvoir de rétorsion de ces textes devraient s’étendre à tout ce qui touche à la contrefaçon, et les répercussions de son éventuelle application frapperaient directement, insistent ses détracteurs, l’accès à certains médicaments génériques. Acta envisage également d’instaurer une responsabilité pénale des intermédiaires (en d’autres termes les fournisseurs d’accès à Internet) si ceux-ci n’agissent pas pour interrompre toute forme de trafic ou toute activité dénoncée comme telle. En cas d’adoption, Acta transformerait donc les FAI en « miliciens du net », capables de couper une source d’information sur simple dénonciation d’un lobby. Une éventualité que les fournisseurs d’accès refusent énergiquement, non pas pour des motifs moraux liés à l’idée de censure ou de dénonciation, mais plus trivialement pour des raisons de coûts d’infrastructure.
Parmi les arguments de défense avancés par Karel De Gucht (dixit nos confrères de la RTBF), l’on note la riposte suivante : « La négociation porte sur des infractions de grande échelle aux droits de propriété intellectuelle ayant un impact commercial significatif ». « Elle ne conduira pas à des restrictions dans les libertés civiles ou au harcèlement des consommateurs ». Si Acta est véritablement un texte visant à poursuivre les grandes filières de la fraude par contrefaçon, l’on se demande pour quelle raison elle envisage un arsenal associant coupures d’accès à Internet pour des particuliers et riposte graduée. De telles accumulations de contradiction font redouter que cette « chasse aux fichiers MP3 » ne cache d’autres buts.