Apple, une fois de plus, se pose en gardien de l’ordre moral en refusant au caricaturiste américain Mark Fiore la diffusion d’une appliquette iPhone baptisée NewsToons. Prétexte : « ridicules public figures » et entrant dans la catégorie des contenus pouvant être considérés comme « obscene, pornographic, or defamatory » … Fiore est le premier homme de la presse en ligne à avoir remporté le prix Pulitzer, la plus haute distinction que peut obtenir un journaliste. Laura McGann, du Nieman Journalism Lab, a d’ailleurs du mal à ne pas laisser éclater son indignation en racontant comment la liberté de blâmer et de caricaturer est taxée de « non politiquement correct » par le premier constructeur mondial d’ordinateurs de couleur blanche.
Il y a de fortes chances que, devant les tollés de la presse américaine, Fiore revienne par la grande porte et soit enfin accepté par les Pères La Pudeur qui légifèrent sur le contenu de l’AppStore, et qu’au passage l’on voue aux gémonies un quelconque lampiste comme cela est déjà survenu par le passé.
Car ce n’est pas la première fois qu’Apple s’érige en censeur. Déjà , à la mi-mars, l’App Store censurait près de 5000 appliquettes sous prétexte qu’elles intégraient des contenus suggestifs. Après une semaine de campagne, la présidence de cette entreprise garante de la moralité a dû revenir sur sa décision, invoquant l’intervention un peu trop zélée d’une équipe de lampistes et jurant que de tels excès ne se reproduiraient plus. Fail, dit-on en langage sécuritaire.
Deux erreurs font-elle d’Apple un intégriste défenseur des idées de la « Bible Belt » ? Certes non. Mais après trois récidives ? L’on peut se demander si ces « regrettables erreurs » ne sont pas réellement l’expression d’une politique pudibonde imposée par les hautes sphères de Cupertino. Car si l’on fouille un peu dans les archives de l’entreprise, l’on retombe bien vite sur une autre interdiction, celle de l’application Eucalyptus, un simple lecteur d’eBooks, qui avait l’impudeur d’accepter les formats ouverts de la bibliothèque « open » du projet Gutemberg. Motif invoqué, une fois de plus, « inappropriate sexual content ». Car le contenu de Gutemberg, est essentiellement constitué d’œuvres classiques, c’est Madame Bovary, c’est le Kama Sutra, c’est la Religieuse de Diderot, c’est Alcool d’Apollinaire, ce sont Les Crimes de l’Amour de Sade… autant d’œuvres débordant de désirs, de sensualité, de chair, d’humanité. Une fois de plus, la pression populaire faisait reculer les Torquemada de la pensée puritaine, mais il s’en est fallu de peu.
Mais pour trois affaires remarquables, combien d’autres sont passées inaperçues ? Combien d’œuvres, de développements, de contenus se sont vus refuser par un comité de l’ordre moral auto-institué ? Ce lent prélude à une civilisation à la sauce Fahrenheit 451 ne semble pourtant évoquer aucun émoi auprès des grands médias Européens, encore sous le charme de la sortie de l’iPad* et de l’exceptionnelle ouverture d’esprit d’une société qui a accepté l’arrivée d’un navigateur alternatif sur sa plateforme iPhone. Seuls nos confrères États-Uniens continuent de se battre et de protester pour défendre une certaine idée de la culture et de ses origines plurielles.
NdlC, Note de la correctrice :sorte de tablette fortement inspirée du projet Origami de Microsoft… mais en plus « fermé ». Rien à voir avec un quelconque organisme de gestion de la région de Courbevoie
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