Des mythes les plus tenaces qui flottent dans l’atmosphère des nouvelles technologies de l’information, celui de la « porte dérobée de la NSA » est probablement l’un des plus anciens. L’histoire voulait que ce soit le cas des premiers noyaux Unix, puis ce fut au tour de Windows. Puis d’OS/2, sur lequel se seraient penchés les sorciers du DoD. Linux lui-même n’échappe pas à la règle, et l’on voit l’œil de Washington derrière le moindre algorithme de chiffrement nouveau. Chez Microsoft, c’en est presque devenu une tradition. Dès les premières éditions de Windows NT, nombreux étaient les administrateurs qui passaient leur temps à bloquer des appels aussi fantaisistes qu’inexpliqués à des numéros IP n’appartenant pas franchement au réseau local. Le bruit de couloir s’amplifie avec la sortie de Vista, qui a fait l’objet, au fil de son développement d’une surveillance attentive de la part des techniciens de la NSA. Mais de simple auditeur au rôle de poseur de micros, il n’y a qu’un pas que les employés de cette administration n’hésitent pas toujours à franchir. Alors, pourquoi les clients eux-mêmes n’opèreraient-ils pas un raccourci identique ? D’autant plus que tout ce que pourra raconter un représentant de la « No Such Agency » plaidera en sa défaveur. Le désir de « to enhance Microsoft’s operating system security guide » dixit Richard Schaeffer, l’information assurance director de la NSA, est interprétable de bien des manières.
La véritable question n’est pas tant de savoir s’il existe ou non une porte dérobée dans un système d’exploitation, mais si, d’un point de vue marketing, il est de bon ton d’afficher qu’une entreprise fraye avec des barbouzes. C’est, d’un point de vue stratégique, tendre le bâton pour se faire battre et s’exposer volontairement aux critiques et suspicions de tous poils. Y’a-t-il un spyware ou une backdoor dans Windows 7 ? Probablement autant qu’il en existe dans les bios des ordinateurs portables Lenovo ou dans le firmware des routeurs Huawei. Et c’est sur des soupçons aussi fondés que le Sénat américain a, par deux fois, émis des « notes de prudence » quand à l’importation et l’utilisation de ces équipements, participant ainsi à instaurer un climat de « peur, incertitude et doute ». Seulement, les arguments qui pourraient protéger les intérêts supérieurs des entreprises nord-américaines ainsi que la balance du commerce extérieur ne sont plus tellement appréciés lorsqu’ils risquent de provoquer des réactions protectionnistes semblables de la part des pays d’Europe ou du Sud Est asiatique. La calomnie politique, c’est un peu comme les virus. Simple et peu coûteuse à fabriquer, mais totalement incontrôlable une fois lâchée.