Le Point Exquis de l’affaire du Grand Chiffre d’Apple, c’est le blogueur Orin Kerr (du Washington Post) qui le détecte. En écrivant tout d’abord un article assez peu réfléchi sur « la légèreté d’Apple », édito conservateur arguant du fait que Cupertino fait ainsi le jeu des trafiquants de drogue, des cyber-pédophiles et des djihadistes terroristes. Tollé général sur les réseaux sociaux, Kerr revient sur sa position et admet que ce débat n’est pas aussi manichéen qu’il y paraît. Un troisième article conclut la polémique et pose deux questions, des classiques du genre en matière de chiffrement :
– « Où donc se situe la limite » d’un chiffrement qui protège la vie privée des gens honnête mais qui, également, masque les activités des véritables truands.
– « quid du compromis acceptable en matière de vie privée »
Or, cette question du compromis acceptable est une constante dans la politique intérieure des USA. Tant le gouvernement Bush que la présidence Obama ont utilisé l’argument du « léger sacrifice de la vie privée au profit d’une plus grande sécurité ».
C’est là que le bât blesse réplique Steeve Bellovin, l’un des pères de Usenet et surtout de l’identification EKE. L’usage des outils de mobilité n’est pas l’unique source d’échange des hors-la-loi. Ce n’est qu’un des nombreux outils possibles. Le chiffrement ne constitue pas seulement une protection des données personnelles, c’est également un bouclier contre les fréquentes attaques des pirates voleurs d’identités numériques, de données confidentielles etc. (ndlr : lesquelles sont d’ailleurs considérablement plus fréquentes et moins virtuelles que les attaques cyber-djihadistes ou les intrusions d’espions sino-russo-américains). Pis encore, renforcer la protection des équipements mobiles n’est qu’une forme de rétablissement de l’équilibre d’autrefois, équilibre compromis par l’intensif, l’abusif usage des perquisitions numériques réalisées par les services de police aujourd’hui. Depuis la généralisation des téléphones intelligents, cette même police a accès à des données qu’elle ne pouvait posséder auparavant, et c’est cette « ouverture » que la décision d’Apple referme très partiellement. Très partiellement, car même chiffré par des mécanismes inviolables, un iPhone 6, 7 ou 8 fournira toujours à cette même police son lot de métadonnées. En outre, si le débat peut se tenir aux USA ou dans la plupart des pays du bloc occidental, il y a de grandes chances pour que des gouvernement un peu moins amoureux des usages républicains demandent à Apple de « fragiliser », voire de supprimer ces outils de chiffrement, précisément pour que leurs services de police puissent continuer à accéder aux données privées de leurs citoyens.