Encore du Cloud, avec –et ce n’est pas là une coïncidence- cette plainte de l’Epic (Electronic Privacy Information Center) déposée à la FTC à l’encontre de Google. L’Epic invoque les « graves risques d’atteinte à la vie privée » que pourraient provoquer les fameux services « Cloud Computing ». A la lueur des récents événements et la publication de certaines failles, l’Epic considère que Google ne serait pas capable de garantir les « privacy and security safeguards » minimaux. Il y en a pour 15 pages, parfois relativement partiales, parfois capables de mettre le doigt sur des points légaux assez épineux. Notamment pour ce qui concerne les limites de responsabilité que Google s’octroie dans ses « Terms
of
Service », ou contrat d’utilisation. Craig Balding décortique point à point les arguments avancés par l’Epic. Il en relève les principales faiblesses et les aspects passablement extrémistes.
En France, le sujet fait bouillonner le Landernau des visionnaires. Louis Naugès, sur son Blog, s’extasie face à cette profusion de services virtualisés qui arrivent grâce au « online ». Et d’opposer l’offre Google Apps et Microsoft BPOS. Ne ménageons aucun suspens, Microsoft abandonne par KO technique et financier avant le troisième round. L’Arbitre conclut par un « Microsoft BPOS est 3,7 fois plus cher que Google Apps » sans appel. Puis, pour confirmer cette mort annoncée, cite une interview de Bernard Ourghanlian par Hugo Lunardelli durant laquelle il est dit « Pourquoi les gens ont-ils envie d’aller vers des clients Web ce qui, à bien des égards, constitue un contre-sens total ? ». Naugès conclut en soulignant cette apparente contradiction entre ce qui se dit intuitu personae et la « ligne doctrinale du parti ».
Des propos qui font bondir Jean Michel Planche, imprécateur instinctif qui fut l’un des fondateurs de l’Internet Français commercial et public tel qu’on le connaît actuellement. « Le Cloud est un fantasme » dit-il en substance. « Ce n’est que l’une des nombreuses tentatives de récupération facturée, de « Minitélisation » à la fois d’Internet et des usages bureautiques ». En gros, les géants de l’outsourcing veulent parvenir à faire payer touts les ans un logiciel que la majorité des usagers n’achetaient qu’une fois « par machine » -tous les 5 ans environ-, tout en leur supprimant la moindre velléité de consommer autre chose que ce qui est offert dans la vitrine des services. Le Cloud, c’est un service fermé et propriétaire, tout l’opposé de ce que la microinformatique et les réseaux publics nous ont apporté jusqu’à présent.
JMP passe accessoirement à côté d’une autre idée importante qui a présidé au développement de la microinformatique : l’appropriation matérielle, la tangibilité de la richesse. Le culte machiste –et combien réel- du « mon ordinateur », « mon soft », « mon gadget perso que j’ai installé moi-même », « ma configuration que personne d’autre ne possède », et surtout « ma liberté de choisir et de garder par devers moi les fichiers dont j’ai besoin »… en d’autres termes la part d’égotisme et de fétichisme qui sied à tout outil personnel. On « emporte » son ordinateur avec soi –le succès des ventes de portables en informatique grand-public en est une preuve indéniable-, et même si l’on peut apprécier la souplesse d’un Gmail ou d’un FaceBook, rares sont les internautes qui accepteraient d’être reliés à un réseau pour écrire une lettre ou entamer une partie de solitaire « payante au verre ou à la bouteille ». Précisément en raison des souvenirs cuisants que les abus de la facturation multi-paliers du Minitel ont gravé au fer rouge dans l’inconscient des Internautes d’aujourd’hui. Même ceux qui n’ont pas connu le Minitel.
Moins viscéral, mais tout aussi important, ce désir de maîtriser l’outil et les richesses intellectuelles qui y sont associées touche également les entreprises. De manière d’autant plus prégnante que ladite entreprise est petite… ou très grosse. Les promesses d’économies avancées par les défenseurs du Cloud tombent bien à propos, en pleine période de crise, à une période où les contraintes comptables sont telles que le moindre miroitement d’une économie probable et à court terme pourrait bien faire basculer des DSI par centaines. Et plus particulièrement celles qui traversent une période de mutation dictée soit par une croissance brutale, soit, cas le plus courant ces jours-ci, par une récession notable des moyens.