En février 1934, Eugène Aisberg, père fondateur de la presse technique Française, lançait une revue qui s’intitulait Toute la Radio, titre qui devint par la suite Toute l’Electronique, alias « TLE » pour les intimes. Premier numéro précieusement conservé par Monsieur Pascal Chour.
A la page 1 (en chiffres arabes, premier tiers de la publication), l’on trouve un éditorial signé Paul Dermé, titré « Pas un sou ! ». Edito qui vitupère contre les demandes insistantes de l’industrie du divertissement, des variétés et du spectacle, laquelle exigeait le versement d’une partie de la « taxe radio » (redevance) en dédommagement de la concurrence déloyale causée par les nouvelles technologies (la TSF). « La radio porte aux théâtres dans les provinces un coup des plus dangereux, du fait que les spectacles entiers radiodiffusés retiennent inévitablement chez eux les quelques amateurs encore fidèles de l’Art Lyrique » peut-on lire page 2. Déjà, la dématérialisation de l’œuvre et sa duplication auprès de plusieurs milliers d’usagers (fortunés) était un argument fort des « majors » du moment.
Outre la subvention de « préservation concurrentielle » prélevée sur les deniers des usagers, les défenseurs du spectacle traditionnel avaient également inventé Le « filtrage géolocalisé » que n’aurait pas du tout renié certains conseillers ministériels : « Un sénateur, ancien Ministre de l’Education Nationale, M.Mario Roustan, a promis, lui, au Directeur du Grand Théâtre de Bordeaux de demander au gouvernement d’empêcher que les transmissions de l’Opéra soient diffusées par [l’émetteur] Bordeaux-Lafayette ». Quelques hommes politiques et conseillers clairvoyants s’opposent toutefois à cette forme de lobbying : « M. Mistler, vient déclarer M. Georges Monnet à Excelsior, a raison de penser que le public de la radio doit être satisfait pour lui-même, et non en fonction des services qu’il peut rendre aux théâtres en difficulté… Les 1 500 000 auditeurs (sic) de la TSF ne méritent pas d’être sacrifiés aux abonnés de l’Opéra ou de l’Opéra-Comique ».
Et Paul Dermé de conclure « Les sans-filistes sont unanimes sur ce mot d’ordre : « Pas un sou ! » à opposer à tous ceux qui se soucient fort peu de la radio, mais qui s’intéressent beaucoup à ses écus ». Ni licence globale, ni subvention de mutation, ni prélèvement à la source… la radio, puis la télévision, pourtant longtemps accusées d’avoir trucidé le théâtre, le cinéma, les concerts, les auteurs, ont ainsi survécu grâce à l’intégrité d’hommes qui ont immédiatement compris qu’une technologie n’en remplaçait jamais une autre totalement …