La campagne de hargne, de grogne et de rogne qui vise actuellement Facebook et son sens très particulier de la vie privée s’étend désormais à tous les médias. Initialement entamée par quelques blogueurs à cheval sur les principes, cette bataille contre l’exploitation abusive des contenus gagne désormais la « grande presse » tant Américaine qu’Européenne. Nos confrères de Rue 89 titraient la semaine passée « 2005-2010 : comment Facebook a bradé notre vie privée ». Plus technique, le New York Times démontrait, à l’aide d’un organigramme, comment les maîtres du Web 2.0 rendaient quasiment impossible toute possibilité de contrôle des informations personnelles en multipliant les points de contrôle et les options « à cocher ». 50 paramètres, 170 options, une politique de sécurité de près de 6000 mots (pondus dans un vocabulaire d’Avocat parfois incompréhensible ou trompeur). Paradoxalement, plus se multiplient ces « options facilitant la maîtrise des données personnelles », plus Facebook étend, parfois sans en avertir clairement ses usagers, le champ des informations accessibles sur Internet. Sur ce point précis, les graphiques publiés par mattmckeon.com sont édifiants.
Ce sont d’ailleurs ces constants changements de « politique concernant la vie privée des internautes » qui vaut à FaceBook l’honneur de se faire épingler par le très Européen, très critique et très vigilant Article 29 Working Party. « Il est inacceptable qu’une compagnie change fondamentalement les paramètres par défaut de sa plateforme de réseau social au détriment des utilisateurs ». La lettre est sèche est sans ambages.
Et même si certaines initiatives peuvent paraître louables, telle cette console d’administration capable d’autoriser ou non certains périphériques mobiles, l’on se rend bien compte que c’est là une « solution » qui ne concernera qu’une frange infinitésimale des abonnés capables de comprendre ce qu’est cette sorte de « NAC pour monsieur Toutlemonde ». Au fil du temps, la gestion des droits d’accès aux informations Facebook ressemble de plus en plus aux barèmes de facturation d’un opérateur de téléphonie mobile : conçu spécialement pour que jamais un utilisateur puisse s’y retrouver.
Situation d’autant plus paradoxale qu’à côté de ces outils d’administration fine, des trous de confidentialité sont encore béants, ainsi le démontre Stephan Tanase de Kaspersky. Un Stephan Tanase qui achève son billet par une série de « ne faites pas ci, ne faites pas çà… » que les lecteurs les plus « facebook addict » ne liront ou ne comprendront pas. C’est là une réaction naturelle et propre à cette génération des « Transparents vs parents » que dénonçait notre confrère Jean Marc Manach lors de la dernière conférence iAwacs. D’autres adoptent une position bien plus radicale, à commencer, bien sûr, par le boycott pur et simple de Facebook, en expliquant comment désactiver les pages d’annonce ou se désinscrire de ce « service ». Méthode Groovipost ou The Consumerist, l’opération est presque aussi simple que de comprendre l’administration d’un profil. Les brûlots dénonçant l’attitude de l’équipe de Mark Zuckerberg se multiplient, comme en témoigne Richi Jennings, rédacteur du BlogWatch de Computerworld. Même Wired y va de sa campagne en écrivant noir sur blanc « Facebook déborde d’arrogance, il est temps de recourir à un service alternatif ». Le service alternatif sera-t-il Diaspora ? Ce projet d’universitaires a fait les gros titres du New York Times (http://www.nytimes.com/2010/05/12/nyregion/12about.htm) et les « hits » sur le site du projet (http://www.joindiaspora.com/project.html) se comptent par millions, tandis que les financiers se battent presque pour commanditer ces « jeunes qui ont du talent ». IM, VoIP, simili Twitter, dazibao informatique, outils de backup chiffré réparti (une résurgence du projet Ocean Store ?), identifiant « open »… Diaspora fera tout et même plus que ce que propose FaceBook… si les dieux lares de l’informatique leur prêtent longue vie.
Face à cette campagne, le comité de direction a pris une mesure exceptionnelle : une grande concertation générale interne nous informe nos confrères de ComputerWorld.
Comment vont réagir les usagers de Facebook ? Pour l’heure, seuls les plus « politisés » abandonnent ce réseau social, le bruit médiatique fait autour de cette affaire ne touchant pratiquement que le macrocosme du milieu informatico-webo-communiquant. L’impact sur l’image de marque ne se traduira pas nécessairement par une fermeture en masse des comptes, et comme nul ne peut avoir accès aux statistiques réelles de fréquentation du site, il sera bien difficile de constater un hypothétique phénomène des vases communicants capable de bénéficier à un Diaspora ou proche parent.