La violation des correspondances privées par les services de police est, en France, un sujet quasi religieux à tel point que les cabinets noirs du Second Empire et les tripotages du Gouvernement de Vichy sont entrés dans les livres d’histoire. Mais avec la numérisation des correspondances, d’Hadopi en Lopsi et de Lopsi en ordonnances discrètes, le viol du secret de la correspondance sort de l’exception historique pour se transformer en une banale opération de police, soumise à un barème, à des tarifs patentés, publiés et mis à jour par le Ministère de la Justice.
Des tarifs qui nous apprennent que pour qu’un service de police obtienne la liste des numéros de téléphones mobiles ayant utilisé une cellule précise, et ce pour une journée entière, il ne faut débourser qu’une centaine d’euros. Le détail mensuel des appels entrants et sortants d’un abonné GSM, le tout associé aux cellules déclenchées (donc à la position géographique de l’appelant à la seconde près) vaut 35 euros HT. Et ce ne sont là que les plats de résistance les plus coûteux. Un numéro de code PUK nécessaire pour lire le contenu d’une carte SIM est vendu 6,50 euros et 17,50€ la « fadet » mensuelle (facture détaillée) de n’importe quel abonné au téléphone (gratuite pour l’abonné). L’identification d’un abonné ADSL/VoIP et le nom de son fournisseur d’accès est facturé 8,50 euros, et l’annuaire inverse (identification de l’abonné en fonction du numéro) est une opération ne dépassant pas les 0,65 centimes d’euros (contre 1,35 euro pour un particulier, gratuit pour les lignes fixes). Il est intéressant de préciser que certaines de ces demandes administratives entraînent ipso facto la communication, de la part de l’opérateur, des coordonnées bancaires de l’abonné soupçonné. L’ensemble des tarifs mentionnés s’entendent « hors taxes » ; les lecteurs intéressés par plus de détails peuvent se reporter au « Référentiel des réquisitions en matière de communications électroniques » disponible librement dans les archives du serveur américain Cryptome.
Si le montant des facturations peut paraître parfois dérisoire et propre à encourager de telles demandes à la simple invocation d’un complément d’enquête, il est en revanche important de rappeler que les tarifs des écoutes pèsent bien plus lourds dans le poids de la facture finale. Un récent article de nos confrères du Figaro estimait à un peu moins de 500 euros le coût d’une interception sur ligne fixe et moins de 100 euros une liaison GSM. Mais là encore, la technologie banalise l’acte. En l’espace de sept ans, le nombre de « bretelles » a augmenté de 440%. Chaque année (statistiques 2008) il s’enregistre un peu moins de 26000 dialogues téléphoniques et 40 000 SMS. Un volume « quinze fois moins [important que celui de] l’Italie, douze fois moins que les Pays-Bas et trois fois moins qu’en Allemagne » rapportent nos confrères du « Fig » en citant un porte-parole du Ministère de la Justice. Ces oreilles indiscrètes ne seraient pourtant pas comparables avec ce qui se pratique sur Internet. La surveillance des communications sur le réseau publique, des « chats » à la lecture des emails et autres moyens d’échanges, constituerait 70% des interceptions globales, soit près de 60 000 enregistrements par an.
Les Ministères de la Justice et de l’Intérieur ne publient aucune statistique sur la proportion exacte des communications « probantes » par rapport à la totalité des écoutes et épluchages de communications. Une transparence semblable à celle en usage dans le secteur très convoité de la vidéosurveillance, dont on n’a toujours pas prouvé scientifiquement l’efficacité.
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