« Lorsque John Spears rentre du travail, il se cale confortablement dans un fauteuil, débouche une canette de bière et échange, une heure durant, sa casquette de vendeur new-yorkais contre celle de « shérif virtuel » en train de surveiller sur internet la frontière mexicaine » nous raconte Claire Prentice de la BBC. A la moindre ombre suspecte, ce « volontaire » expédie un signal d’alerte qui sera, à son tour, analysé par le bureau du véritable shérif, situé à proximité du « point sensible ». John Spears n’est pas seul. Avec lui, 130 000 passionnés de délation situés un peu de partout dans le monde (de la Grande Bretagne à la Nouvelle Zélande, en passant par Israël ou la Colombie) contribuent à défendre les USA contre les passeurs de drogue et peut-être un peu contre les immigrants clandestins.
Ce volontariat au flicage peut paraître moralement discutable, voir totalement orwellien pour un européen en général et un Français en particulier, pour qui le mot « milicien » résonne sinistrement dans toutes les mémoires. Pour les instigateurs du Border Watch, ce n’est jamais que l’extension naturelle d’une pratique courante Outre Atlantique, celle du « neighbourg watch », ou collectif de surveillance de quartier. Le climat de psychose, entretenu par les médias grand public et les discours politiques sécuritaires, concourent à la prolifération de ces associations locales, généralement florissantes dans les zones pavillonnaires « middle class », mais inexistantes dans les quartiers défavorisés.