Cela n’aura échappé à personne, en passant, la « nouvelle mouture » de la loi sur la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet institue un « délit d’incompétence technique » et de « négligence informatique » sanctionnée par une amende de 1500 euros. Entre les vendeurs de disques –qui revendiquent un « contenu artistique » (sic)- et les associations d’internautes ou de consommateurs qui crient à l’inconstitutionnalité du texte, les vivas et les lazzis ne cessent de fuser. Les uns bénissant une « loi salvatrice » qui redressera une industrie qui ne s’est jamais aussi bien portée (mais dont les ventes chutent faute de contenu de qualité), les autres dénonçant une disposition ouvrant la porte à une « triple peine » qui interdit tout recours au présumé coupable.
Réactions dubitatives également du côté de nombreux experts en sécurité, qui doutent ouvertement du pouvoir d’incitation de cette loi. Les uns voient là la promesse à un recours massif aux techniques de chiffrement, donc à l’impossibilité de poursuivre les « gros fraudeurs », ce qui aura pour résultat des condamnations massives de « petits poissons » mal informés, fort heureusement plus nombreux, dont économiquement plus rentables. Les autres prédisent la promesse d’une série de dérapages judiciaires à l’encontre d’innocentes victimes (les fameuses inculpations de grand-mères accusées de ne pas savoir configurer un serveur OpenRadius sous Korn Shell), d’autres enfin présagent un accroissement des piratages de points d’accès WiFi par les téléchargeurs compulsifs en mal de robinets à données et par voie de conséquence, une disparition des condamnations en contrefaçon compensée par une augmentation des « délits de négligence technique ».
Peu ou pas d’intervenants, en revanche, se sont prononcés sur le fond de la question, et notamment la remise en cause de la « recevabilité de la preuve » apportée par un expert indépendant. Les procès-verbaux établissant une contravention seront, à priori, établis par les experts assermentés des ayant-droits, donc juges et partie. Ce qui aura pour probable conséquence une dévalorisation très nette des véritables experts dans toutes les affaires comportant un volet lié au téléchargement illégal. Autre point très délicat, la loi a su conserver une formulation excessivement floue (surveillance des « communications électroniques ») qui laisse à ceux qui en ont la charge la possibilité de capturer et analyser tout protocole transitant sur les réseaux publics. Pour certains médias, l’on peut y voir la résurrection des cabinets noirs de Napoléon III, du Gouvernement Tiers ou du régime de Vichy réunis (trois gouvernements réputés pour leur amour des correspondances privées). Quasiment personne en revanche ne fait remarquer que la formulation du texte peut aller jusqu’à banaliser les écoutes téléphoniques VoIP (à terme, la majorité des conversations entre particuliers et entreprises, hors réseaux militaires, policiers et d’Etat). Et ce n’est là qu’un exemple parmi les quelques 1024 protocoles serveurs dénombrés par le Iana. En faisant « passer » cette loi-prétexte, les députés ont implicitement travaillé à la préparation de terrain nécessaire à l’adoption de la Loppsi (Loi d’Orientation et de Programmation pour la Sécurité Intérieure –Lopsi 2 ou Lopsi 2009) : captation des données à distance (virus mouchards et spywares d’Etat), géolocalisation des internautes, censure de sites sur opinion du Ministère de l’Intérieur, obligation de filtrage par les FAI… des dispositions musclées qui n’auraient pas eu l’ombre d’une chance de passer si le précédent Hadopi n’en avait pas déjà fait le lit.
Ca fait plaisir de vous relire.
Sur le fond, rien à apporter au sujet, si ce n’est pour faire remarquer qu’à côté de cette loi outrancière dans son cadre et ses conséquences probables, la justice va se « simplifier » également, ce qui assure de belles journées aux ayants-droits et aux amateurs de sévérité.
Comme en toute chose, une action appelle une réaction, il est probable que d’ici une dizaine d’années, ces lois sont compensées par un spectre d’application plus raisonnable.
Entre-temps, ce sera une fête judiciaire permanente pour le contribuable (car n’oublions pas que ce sont nos impôts qui servent à créer ce bouzin, et nos votes qui ont placés ceux-là qui les font au gouvernement).
Personne ne fait remarquer que le logiciel de sécurisation est toujours en place. C’est toujours à la commission Hadopi de labelliser les moyens de sécurisation…