Notre confrère John Leyden du Reg, Billy Hurley de Security News, Barbara Darrow d’IT Knowledge ou Ron Condon de SearchSecurity UK , Tony Bradley de PC World ou toute l’équipe de Network World reviennent sur l’offre d’achat de McAfee par Intel.
Pour beaucoup, la somme d’argent mise sur la table paraît absolument astronomique… était-il nécessaire qu’Intel dépense autant ? L’amalgame a-t-il quelques chances de réussir ? Quels en seront les bénéfices à court et moyen terme ? Sur ces deux derniers points, les avis divergent. Bien sûr, en tête des avis négatifs, ceux des éditeurs concurrents interviewés par nos confrères. La peur de voir apparaître un « grand méchant monopole » de cette union apparemment contre nature en inquiète plus d’un. Car une base matérielle qui possède déjà une couche de protection « burinée dans le silicium » et livrée presque gratuitement avec la machine, ça n’incite pas franchement à aller voir si la concurrence est plus efficace. Les critiques fusent : intégrer dans du matériel, c’est bien, mais mettre à jour, c’est mieux… Une sécurité « intégrée » pourra-t-elle prétendre être aussi souple qu’un logiciel ? et qu’est-ce qui nous garantira que le code intégré sera « sans bug » ? En présence d’un trou de sécurité dans le firmware de sécurité, sera-t-il possible d’appliquer une rustine ?
La presse économique, de son côté, salue l’initiative de diversification sans pour autant crier au triomphe. Intel, par le passé, n’a jamais brillé pour sa compétence en matière de logiciels. Entreprise de « hard », elle n’a jamais réussi à marier les compétences de ses différents laboratoires, comme le fit par exemple Hewlett Packard. Le monde des composants subit, par rapport à ses homologues de l’instrumentation et équipementiers, un lourd handicap culturel. A ceci s’ajoute le fait que, lors de toute OPA, le tout résultant est parfois très loin de la somme des parties. Intel+McAfee = ???
Personne par contre ne s’interroge sur la transparence et l’ouverture de cette intégration. Car malgré des amours orageuses et des périodes de vie commune tumultueuse, le premier partenaire d’Intel, Microsoft, a tout à gagner de ce mariage géant. Cela fait d’ailleurs depuis quelques années, au fil des conférences WinHEC, que le numéro Un du logiciel nous promet la généralisation de « processeurs de sécurité » et d’agents de contrôle de sécurité « intégrés dans le silicium ». Risquera-t-on de voir apparaître des machines WintelAff totalement verrouillées, effectuant des vérifications de signature de code officiellement destinées à éviter l’exécution d’un malware mais interdisant effectivement le lancement de tout programme non béni des Dieux de l’Informatique ? De telles rumeurs avaient couru lors de l’apparition des premières puces TPM, ces coffres forts à certificats que l’on a craint un certain temps interdit au monde GNU Linux.
Quelques interviewés craignent, cependant, une dérive monopolistique provoquée par cette situation du « mieux offrant ». Pourquoi faire jouer la concurrence entre vendeurs de jeux de composants alors que seul Intel sera à même d’offrir des circuits sécurisés ? Comment survivre dans le monde logiciel sans être « compatible McAfee Inside » ? Et connaissant l’âpre bataille que se livrent les ténors de la sécurité sur le terrain des consoles d’administration, comment ne pas imaginer qu’Intel ne puisse en profiter pour entraver la marche de ses ennemis ? En « ouvrant ses standards », par exemple, tout en se réservant le droit d’intégrer des « améliorations » qui rendrait tout espoir d’interopérabilité illusoire ? Se dresse alors le spectre d’une situation monopolistique et de ses conséquences, notamment la perspective de procès à épisodes et de revirements dont les premières victimes seraient les clients eux-mêmes. Ces « risques », il se pourrait bien que le concurrent direct d’Intel, AMD, tente de les exploiter discrètement dans les mois à venir.
Tous les experts, en revanche, tirent des plans sur la comète et tentent de deviner quels seront les secteurs les plus concernés par cette intégration : poste de travail pour certains, jeux de composants destinés à la téléphonie mobile pour d’autres (les security embedded phones), sans oublier le cloud computing, les processeurs de chiffrement cachés dans le moindre chipset… Reste qu’en dehors du monde du serveur ou du poste de travail, Intel n’est pas le seul en lice. Dès que l’on parle de processeurs embarqués ou d’électronique mobile, d’autres noms apparaissent, qui, eux aussi, pourraient bien acheter à leur tour un éditeur de logiciels de protection périmétrique.