Ce n’est pour l’heure qu’un projet de loi proposé au Congrès, mais un projet fort intéressant pour le devenir de l’industrie des télécoms. Gigaom rapporte que des représentants républicains ont suggéré que désormais, lorsqu’une partie du spectre radioélectrique serait libérée, les partisans de son usage « sans licence » devraient, à l’instar des autres intéressés, enchérir pour décrocher ladite fréquence.
Rappelons qu’Outre Atlantique, la FCC, équivalent de notre Haute Autorité des Télécoms, « vend » aux enchères les pans de fréquence pour des durées déterminées, alors qu’en France, ces attributions sont généralement gratuites, mais l’usage des bandes est soumis au payement d’une licence, soit d’opérateur, soit d’exploitant. Le système Français favoriserait non pas le plus riche, mais celui offrant les garanties de « mieux disant infrastructurel ».
Jusqu’à présent, aux USA, certaines de ces fréquences étaient littéralement « offertes », soit à des organismes généralement sans but lucratif, soit à un usage en particulier (sécurité civile, réseaux personnels WiFi etc.). C’est ce que l’on appelle les « bande citoyennes », alias « Citizen Bands » d’où est dérivé le terme « CiBi ». Nul licence n’y est exigée, mais en contrepartie, la FCC impose des règles assez strictes concernant l’homologation des appareils utilisés sur ces fréquences, limite les niveaux de puissance, et peut même contingenter les importations de transmetteurs provenant de l’étranger sous divers prétextes techniques. Les portions du spectre WiFi/Bluetooth ou CPL font partie de ces fameuses bandes citoyennes « sans licence » qui n’ont pas rapporté un centime à l’administration Fédérale, mais qui ont permis à l’industrie de gagner des sommes considérables en imposant une « norme de fait » technologique. C’est ainsi que Hiperlan2, le réseau sophistiqué MAN/Wan de la très européenne ETSI s’est fait laminer par le consortium WiFi etWimax.
Si le projet républicain « passe », cela signifierait que les partisans d’un usage libre desdites fréquences se réunissent, participent comme n’importe quel enchérisseur à la vente organisée par la FCC (qui alors rayerait de ses attributions la gestion des bandes « licence free ») et emportent l’enchère en offrant à l’Administration une somme supérieure aux autres offres.
Voilà qui, paradoxalement, ferait le bonheur de l’Europe. Car aucun association, aussi riche soit-elle, ne peut lutter contre les milliards que peuvent aligner des groupes industriels tels que Microsoft ou AT&T. Ce qui transformerait la bataille industrielle opposant les USA et l’Europe. Actuellement, les équipementiers s’affrontent sur les fréquences UHF laissées libres par l’arrivée de la TNT en Europe et par la suppression du PBS network et des stations TV locales aux USA. Espace rêvé pour développer une « super radio FM de haute qualité » pour certains Ministres Français (utopie d’une radio numérique terrestre qui va de capotages en catastrophes depuis plus de 30 ans), tandis que les nord-Américains y voyaient là la portion de fréquence idéale pour en faire un super-WiFi longue distance et moyen débit.
L’obligation d’enchère (donc la suppression d’une ouverture de marché pour les équipementiers réseau) a de fortes chances de faire réagir les Cisco, Atheros et consorts. Le « libéralisme » du projet et ses gains à court terme pourraient se retourner contre l’économie libérale du pays. Gageons que, du côté des équipementiers et de quelques politiques Européens, l’idée des Républicains est soutenue avec passion.