Dans un subtil message diplomatique, le PRS for Music, l’équivalent de la Sacem en Grande Bretagne, tourne le dos à une « Hadopi à l’Anglaise » visant à poursuivre les amoureux du téléchargement, et propose de faire payer les fournisseurs d’accès au prorata du volume des échanges P2P. Une telle disposition aurait pour avantage, explique en substance la lettre du PRS, d’inciter lesdits FAI « touchés au portefeuille » à filtrer efficacement les protocoles d’échanges de fichiers et à réactiver la concurrence qui n’existe plus entre les opérateurs de services.
En lisant entre les lignes, la PRS, à la lumière de ce qui s’est passé en France, a très vite compris qu’une Hadopi à l’Anglaise ne servirait peut-être pas essentiellement les intérêts des auteurs-compositeurs mais pourraient favoriser plutôt, par exemple, des organismes d’état en mal (cela peut arriver si si) d’outils de flicage et de contrôle d’Internet. La PRS refuse donc de servir d’alibi et souhaite attaquer le mal à la racine, auprès des premiers instigateurs au téléchargement : les fournisseurs d’accès dont l’escalade à la bande passante reflète très exactement cette incitation passive et indirecte au piratage.
C’est là , explique le site ZeroPaid, une sorte de« taxe carbone » du téléchargement. Plus on mesure un taux de download chez un opérateur, plus il sera facturé. A chaque fournisseur d’accès, en fonction de son trésor de guerre, de décider du montant acceptable de ses abonnements, et d’accepter de payer ou non ladite taxe. Le téléchargement n’est alors plus illégal, mais son accroissement se traduira par une rétribution directe et proportionnelle des artistes et interprètes. Le client-internaute, quant à lui, pourra librement choisir s’il souhaite ou pas, selon ses aspirations (intellectuelles et de fichiers) s’abonner à un FAI «téléchargeur » ou « filtré » et par conséquent, à tel ou tel coût mensuel de raccordement à Internet.
Il faut avouer que cette proposition à ceci de particulier par rapport à une « licence globale », qu’elle ne frappe pas indifféremment des internautes « innocents » et des « téléchargeurs compulsifs » avec un tarif unique prélevé sur le montant de l’abonnement. C’est une offre « pay as you go », dans la plus pure tradition de la facturation Cloud Computing, de la téléphonie mobile… ou du Minitel. Difficile, avec une telle proposition, d’exiger l’installation obligatoire de logiciels d’espionnage gouvernementaux genre Albaniciel, difficile également de justifier les investissements pharaoniques, les infrastructures email kafkaïennes et les loyers astronomiques d’une Haute Autorité dont l’indépendance et la liberté de jugement, quelques probes soient ses membres, ne peut être comparée à celle d’un tribunal Républicain et d’une institution judiciaire d’Etat.
Certes, le diable est caché dans les détails, et certains esprits retors diront qu’un FAI « royalty free » pourra toujours nourrir en son sein des pirates qui contourneront les procédés de filtrage et de détection (proxy, clients P2P distants situés à l’étranger, tunnels vpn, streaming…). C’est oublier le principe du « fruit le plus facilement accessible », qui dissuade le commun des mortels de se fatiguer intellectuellement alors qu’une solution simple et peu coûteuse s’offre à lui. Tout réside dans la définition du « peu coûteuse ». Car si elle se montre trop gourmande, la PRS pourrait bien échouer dans son projet. Le Minitel fut une bonne idée dont les perversions et les débordements ont trop souvent éveillé la cupidité et les espoirs de nombreux cybermarchands de soupe.
L’idée pourtant fait son chemin Outre Manche. Sans se prononcer en faveur de la « solution PRS », Peter Jenner veut voir changer les choses. L’ancien producteur de Pink Floyd, T-Rex, Roy Harper, The Clash ou Billy Brag … est devenu Président de l’International Music Managers’ Forum. Il explique : « Tenter de convaincre les gens d’arrêter de copier est une perte de temps. Non seulement c’est une perte de temps, mais en plus cela transforme la loi en un système répressif, comparable à la période de la prohibition aux USA dans les années 20 ». Avec des coûts de production des fichiers numériques tendant vers zéro, le marché s’attend à une réduction des prix des fichiers numériques tendant également vers zéro résume en substance Peter Jenner. « Nous allons à contre-courant, nous nous battons contre une réalité économique. Nous devons radicalement changer notre manière de penser et passer du « Copyright » au « right to copy ». L’industrie doit adopter de nouveaux modèles économiques, semblables à ceux de RapidShare », continue Jenner. « Si seulement nous récupérons 1 £ par mois pour chaque personne habitant la Grande Bretagne, cela nous assure un niveau de revenus identique à celui que nous connaissons actuellement ». Des propos que Jenner avait déjà plus ou moins tenu dès 2007, lors d’un cultissime reportage de la télévision Danoise intitulé Good copy, bad copy.
Des propos émis, rappelons-le, non pas par un idéaliste nihiliste souhaitant la mort de toute « production artistique », mais par un éminent représentant des producteurs de musique et businessman réputé. Quelle solution sera adoptée par le gouvernement du Royaume Uni : le principe de l’amende pour racolage destiné à renflouer les caisses de l’Etat, ou un système économique véritablement destiné aux artistes ?