André Wojciechowski, député UMP, vole au secours de l’étonnante proposition d’un autre député UMP, Jean-Louis Masson, lequel, on s’en souvient, souhaitait faire disparaître tout anonymat dans la blogosphère. Dans une question écrite fait à « Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique » – alias NKM-, André Wojciechowski brandit à nouveau le spectre de la diffamation, mais cette fois-ci à propos des « sites de discussion ». En d’autres termes des forums.
La question du député est importante au moins sur deux points : En premier lieu, il semblerait que le fait de « communiquer ouvertement » constitue une dérive liée à l’évolution technologique, (l’on reprochait déjà cela à une autre invention diabolique, l’imprimerie), dérive qui « laisse s’installer un régime de liberté de parole qui va à l’encontre du droit » (sic). Les disciples d’Aristote apprécieront. Vient ensuite une demande de « personnalisation des messageries Internet par l’obligation de déclarer sa véritable identité ». Monsieur Wojciechowski André ignore probablement que, quelque soit le pseudonyme utilisé, tout « internaute » Français est identifiable par son numéro IP (cf le principe de fonctionnement de Hadopi), par son adresse email nécessairement liée à son pseudonyme, lequel alias email «primaire » ne peut être obtenu sans délivrance d’une identité réelle auprès d’un FAI. Certes, Internet fait peur, surtout aux personnes qui n’en maîtrisent pas toujours la réalité technique ou les fondements juridiques… voire les deux.
Mais plus que l’inutilité mécanique de cette proposition, ce sont les arguments invoqués qui laissent songeur. Selon la logique simpliste du « ceux qui n’ont rien à se reprocher n’ont rien à cacher », Mr le député Wojciechowski utilise une vieille ficelle qui a, par le passé, mis en péril plus d’une fois l’industrie Française, facilité les vols d’identité et considérablement aidé le développement de l’espionnage industriel en nos contrées. Car c’était avec ce même raisonnement que la France, tout comme la Chine, la Corée du Nord et quelques autres pays fleurant bon les démocraties populaires, que les clefs de chiffrement de plus de 40 bits ont été interdites par la DCSSI de l’époque. Plus loin encore, ce fut grâce à de tels raisonnement que les grands penseurs du Siècle des Lumières ont dû fuir leurs pénates ou imprimer leurs œuvres en Hollande ou en Angleterre, havres de liberté de la parole et de la pensée.
En instaurant un climat où la liberté de blâmer cède le pas à l’obligation d’éloges flatteurs, où la polémique est systématiquement supprimée sous prétexte de moralité ou de respect des convenances, les pourfendeurs de diffamation pourraient bien pousser les internautes les plus virulents à expatrier leurs comptes email au Kamchatka, leurs proxys aux USA et leurs blogs sur des serveurs localisés en Antarctique. D’autres se tournent vers La Barbade, le Lichtenstein ou les Iles Marshall pour des motifs moins avouables et ne soulèvent pas de tels assauts indignés.