Après le soupir de soulagement poussé par l’ensemble des Internautes, voilà que la suspension du registrar EstDomain par l’Icann éveille quelques instincts de vengeance. « Et si l’on passait aux autres » demande Chris Barton, de l’Avert Lab. Et de commencer à balancer quelques noms : Moniker, havre pour les polluposteurs, Xin Net et Tech & OnlineNic, réputés pour leur richesse pharmaceutique et leur amour du jeu en ligne, Planet Online, spécialiste du snowshoe spamming (pollupostage émis par un très grand nombre d’adresses IP afin d’en noyer l’origine réelle), Dynamic Dolphin, détenu par un certain Scott Ricter, qui eut, lui aussi, des démêlés avec la justice, ou directNIC, chez qui le typosquatting n’est qu’un péché véniel.
Mais il est peut-être trop tard, craint Barton. Déjà , les principaux cybertruands avaient rapidement quitté le navire EstDomain lorsque la situation a commencé à sentir le roussi* dans le courant du mois d’août. Une manière comme une autre de demander à l’Icann d’agir avec un peu plus de courage et de détermination. Un signal qui s’adresse également aux autres registrars qui seraient coupables de négligence dans le choix de leurs clients : l’épée de Damoclès est suspendue au dessus de leur gestion de netblocs, et l’Icann vient de se souvenir de la façon dont on utilise une paire de ciseaux.
Enfin presque. Car, dans le courant de la nuit, et après la réception d’un fac-simile émis par l’équipe dirigeante d’EstDomain, l’Icann a suspendu… sa suspension. Par un jeu subtil d’écriture, le dénommé Vladimir Tšaštšin ne serait plus patron de l’entreprise depuis juin dernier… ce qui, d’un point de vue strictement organique, rend caduque le fondement même de la radiation tel qu’invoqué par l’Icann. Plus de repris de justice à la tête d’un registrar, plus de raison d’en faire cesser l’activité. Si l’Icann, après ce coup d’éclat salué par l’ensemble du monde Internet, revient définitivement sur sa décision, s’en sera fini de sa réputation. En refusant de se prononcer sur le fond réel du problème –l’enregistrement de spammeurs notoires et de sites manifestement liés à la mafia du RBN -, le gendarme de l’immatriculation Internet pourrait bien confirmer son rôle de roi-soliveau.
*NdT Note du Traducteur : plutôt que « sentir le roussi », Chris Barton utilise une périphrase aussi américaine qu’odorante, exprimant la manifestation d’une situation paroxystique : « defecation meets the rotary oscillator ». Cette formule très répandue est la forme châtiée du populaire « The shit hit the fan », dont on peut voir une illustration dans le film Airplane (Y’a-t-il un pilote dans l’avion) .Si l’on en croit le site Urban Dictionnary, l’expression originale s’énonce ainsi : « The excrement made physical contact with a hydro-electric powered oscillating air current distribution device ». Les sémanticiens savoureront cette délicieuse palette de nuances exprimant l’inéluctabilité du principe de Murphy.