« Franchement, j’ai peur » explique en substance Fred Paul de Network World au fil d’un article intitulé « le danger d’utiliser des commandes vocales sur des machines IoT ». Et d’expliquer les drames probables provoqués par les paroles malheureuses des passagers d’une automobile et pris au pied de la lettre par l’interface de commande vocale du voiturin. Ou pis en encore, l’exécution bornée d’un système industriel piloté par la voix :
« C’est bon, laisse tomber » répliqua le chef de chantier. Ce furent les dernières paroles d’Albert Plumier, 20 ans de service aux Forges du Nord, avant que l’électroaimant ne libère 15 tonnes d’acier. Dans un amas informe et sanguinolant, on retrouvera le boîtier de l’interface vocale, miraculeusement épargné grâce à son blindage Atex classe D .
Paragraphe à modifier selon les inspirations sadiques de l’auteur qui pourra ainsi substituer au paquet de ferraille, un fût de cyanure, une coulée de verre à 1500 °C, la grille de l’enclos des panthères du zoo de Courcouronnes …
Même théorie spéculative dans les colonnes de « The Next Police », le magazine du flic moderne. Et si, imagine le journaliste, et si un jour le commissariat vous passait un coup de fil vous demandant l’autorisation de piloter à distance votre voiture Tesla (ou toute autre véhicule autonome) sous prétexte qu’elle a été volée ? Mais je vous en prie, m’sieur l’agent. Mieux encore, la smart-bagnole serait en mesure de verrouiller ses portières et ainsi livrer le malandrin à la maréchaussée, pieds au plancher et poings liés, une fois atteint le parking du commissariat.
Non, le véritable risque, c’est lorsque l’intelligence montre les limites de son artificialité. Et ce n’est jamais le scénario catastrophe que l’on avait imaginé.
Le South China Morning Post explique comment le portrait de Dong Mingzhu, patronne d’un des plus importants fabricants de systèmes d’air conditionné de Chine, s’est retrouvé affiché dans toute la ville de Níngbō avec cette infâmante accusation de non-respect des règles de circulation piétonne.
Car, afin de lutter contre l’incivisme des passants, une foultitude de caméras de surveillance photographient tout contrevenant. Non-respect des feux de signalisation, traversée en dehors des passages protégés, comportement dangereux sur la chaussée… l’IoT des villes sait tout sur les écarts possibles du citadin bipède. Une fois le fautif « flashé », son portrait est passé au crible d’un monumental fichier, son nom y est retrouvé, associé, affiché sur tous les panneaux lumineux de la ville et commence alors la campagne de stigmatisation imaginée par les services de police urbaine avec une douceur toute bigbrotheriste …
Sauf que Madame Dong Mingzhu ne traverse pas en dehors des clous. Il faudra quelques temps pour que les cyber-pandores découvrent qu’en fait, le visage de cette chevalière d’industrie s’étalait sur une foultitude d’affiches publicitaires collées sur les flans des bus interurbains. Et en Chine comme en Europe, l’autobus domesticus traversent respectueusement les clous lorsque le feu est au rouge pour les piétons.
Les risques de l’IoT ne sont jamais qu’une transposition de ceux liés à la sécurité informatique traditionnelle. On ne craint que ce que l’on connait -via les déboires des tout premiers assistant vocaux par exemple-, on minimise les dangers provoqués par ce que l’on ne connait pas. Le véritable danger de l’IA et de l’IoT, c’est lorsque la situation se résume par un « celle-là, on ne l’avait pas vu venir ».