Il faut dire que les occasions de voir des Ministres ou grands fonctionnaires ruer dans les brancards manquent de moins en moins dans le domaine des lois sécuritaires. Mais les réactions sont moins épidermiques sur l’axe Brest-Strasbourg. Malgré une dangerosité mille fois moins élevée qu’un week-end de pentecôte, le risque de vol et d’usurpation d’identité a fait passer sans anicroche le projet de loi sur le fichage biométrique des « gens honnêtes ». Le blog Barabel donne une analyse dépassionnée de la question. En omettant toutefois de tirer deux perspectives, l’une historique, l’autre technique.
La première perspective, c’est celle qui consiste à se demander non pas « si », mais « quand » les institutions ayant un droit d’accès à ces fichiers, et notamment la police nationale, systématiseront les accès à ces données menant à un usage abusif de ces dernières. Les lois considérées comme justifiées aujourd’hui peuvent se transformer en redoutables instruments de bigbrotherisme demain… la démocratie est une chose si fragile et surtout si instable dans le temps. La seconde perspective est purement technique. En gravant dans les tables de loi ce fichage biométrique systématique de tous les citoyens (ou de tous ceux demandant une carte d’identité ou un passeport), on prend le risque de transformer ces mesures d’identification en objets d’authentification… Dans le domaine informatique, le propre d’une authentification est d’être répudiable… Remember Diginotar, remember RSA, des accidents pourtant réputés hautement improbables… voire impossibles. Comment s’appelle alors la procédure de répudiation d’une signature biométrique conservée par l’administration ? Combien de députés se sont posés la question ?
L’on pourrait également s’interroger sur la façon dont une telle loi a été présentée. Aurait-on suggéré de créer un fichier d’empreintes biométriques de tous les automobilistes verbalisés pour stationnement interdit (voir même d’excès de vitesse) que l’on aurait entendu une clameur monter de tous les fauteuils de l’Assemblée. Mais aucune réaction lorsqu’il s’agit d’éviter d’« ouvrir une centaine d’enquêtes dans le cadre d’une plainte pour vol d’identité », un argument par défaut qui met en avant l’efficacité des outils offerts à la Police chargée de rechercher les voleurs d’identité, et non le fichage des personnes innocentes.
Ajoutons qu’après l’article de nos confrères d’Owni, Mediapart a également abordé le sujet. Aucun écho dans la presse audiovisuelle.