Cette histoire du « brick and mortar » succombant sous les coups de boutoir du « On Line », d’autres l’ont déjà subie. La presse papier, notamment, qui tente péniblement de se convertir au En Ligne . L’industrie de l’édition phonographique et cinématographique aussi. Rappelons-nous l’exemple Français : face à cette totale incompréhension de ce que devait être une véritable « offre en ligne », les éditeurs de musique de variétés se sont immédiatement retournés vers le politique. Lequel a imaginé un arsenal de mesures censées freiner cette descente aux enfers de la profession : taxes sur les supports, TVA sur l’accès Internet « vidéo » pour ne citer que les plus contestées. En contrepartie, les éditeurs ont joué le rôle de victime-alibi auprès de ces mêmes politiques, ceci justifiant la mise en place d’outils de surveillance sur Internet allant bien au-delà des mécanismes nécessaires à la poursuite du piratage d’œuvres, qu’elles soient de premier ou de second degré. La victimisation était inespérée et fut exploitée, en France notamment, jusque dans les derniers retranchements avec notamment les dispositions Hadopi première et seconde version.
Se prépare-t-il la même chose avec l’enterrement de première classe de l’industrie du livre et de ses réseaux de distribution ? On peut le craindre. Car, outre la concurrence des réseaux transnationaux comme Amazon, le Livre va devoir compter sans son coussin d’affaires que constituaient, dans la vieille Europe, les Classiques. Schiller, Hugo, Platon, Molière ? Tous sont dans le domaine public… et il n’existe plus aucun «possesseur de droits voisins », le temps des moines copistes étant légèrement révolu. Pourquoi payer du papier si l’on peut, en moins de 200 grammes d’électronique, disposer gratuitement de la bibliothèque de l’honnête homme et de ses milliers de volumes ? Les promoteurs du « cartable électronique » l’ont pressenti. Tout comme les spécialistes des « intégrales de Dumas » et des « best of Jules Vernes » imprimés sur papier-buvard à bas coûts sur des presses Chinoises et vendus par cyber-correspondance : pas de fond, pas de droit à payer, pas d’infrastructure, pas de réseau. Même les éditeurs peuvent se virtualiser.
Bien sûr, l’ouvrage de bibliophile, l’amoureux de La Pléiade ou de « l’in quarto nervuré et doré sur tranche » existera toujours, réservé à une élite, aux amateurs de belles choses, à ceux qui ont compris dès à présent qu’un véritable patrimoine culturel familial ne peut sérieusement reposer sur du dématérialisé. Mais la majorité des lecteurs optera pour l’édition « ebook », pour peu que les supports de lecture s’améliorent dans les années à venir. Quant aux ouvrages de « consommation courante » (roman, ouvrages techniques ou de vie pratique) ils deviendront de plus en plus une chasse gardée des sites marchands.