Mais quelle puce a piqué la presse pour que soudainement l’on débatte avec tant de passion du « sans-contact sous-cutané » ?
Tout commence avec un article du très Britannique Telegraph, lequel révèle que beaucoup de « grandes entreprises » d’Outre-Manche envisagent sérieusement d’implanter un identifiant RFID sous la peau de leurs collaborateurs. Simple rumeur ? Un peu plus que cela, puisque cette « révélation » viendrait de BioHax, une société Suédoise spécialisée dans ce genre d’accessoire. Même son de cloche sur les antennes de National Public Radio qui reprend le discours et ses éléments de langage en affirmant que les puces RFID sont pratiquement monnaie courante en Suède. Un moyen de prêcher le faux pour le transformer en vérité, puisque le même message est repris par Michael Snyder dans les colonnes de End of American Dream avec cependant un peu plus de sens critique. Trois papiers publiés dans des médias renommés, le Dir Com de BioHax peut se féliciter. Sa technique mérite un certificat ISO-14443-B.
Les boutiquiers de la mémoire-RFID-dans-la-peau font vibrer la corde de la sécurité, et n’hésitent pas à imaginer des situations dramatiques destinées, par exemple, à culpabiliser les parents peu soucieux du bien-être de leur progéniture. Un enfant « pucé » est un enfant « surveillé » laissent-ils espérer… ipso facto « sous l’attention permanente de ses aînés ». Cette dérive sémantique qui consiste à assimiler flicage et protection est strictement comparable à celle constatée dans le domaine de la surveillance vidéo débaptisée par l’ex Ministre Michèle Alliot-Marie et fidèlement reprise par ses successeurs. Et pourtant, jamais une caméra de « vidéo-protection » n’a volé au secours d’une victime agressée en pleine rue, jamais une ampoule « sans contact » ne sauva un enfant de la noyade ou d’un accident de la route. Mais que l’on se révolte contre la multiplication de cette bigbrotherification de la société, et l’on passe pour un sympathisant des hordes de pédo-kidnapeurs-poseurs de bombes-agresseurs nocturnes, puisque l’on cherche ainsi non pas à contester la « surveillance », mais à empêcher la « protection ». Miracle de la dérive des mots. Le marketing de la paranoïa peut-il se dissoudre dans la raison et le bon sens ?
Pas vraiment, puisque les exemples se font de plus en plus nombreux. Nos confrères d’Engadget témoignent que cette pratique s’est étendue à une partie du personnel travaillant dans un datacenter de l’Ohio. L’accès au sanctum sanctorum autorisé aux porteurs de ce sésame électronique stigmatise toute personne refusant cette chosification de l’humain. Pas de puce, pas de promotion/conservation de poste/emploi. Rien d’officiel, bien sûr. La terreur du non-dit est peu à peu imposée par les angoissés de la pseudo-sécurité.
La MIT Technology review, pour sa part, rapporte que 80 employés de Three Square Market, un spécialiste US des distributeurs de produits frais et boissons, se sont fait « pucer » dans le seul but de ne pas avoir à chercher de la monnaie pour acheter les quelques décilitres ou centimètres-cubes de nourriture quotidienne. Pour ceux qui n’auraient pas compris le message, les RFID font partie de notre quotidien. Toute résistance est futile, cette évolution vers l’humain augmenté est inévitable, y compris pour des activités non essentielles. Transhumanistes 10, homo sapiens 0.