NSA ? Connais pas ! A l’occasion de la visite du Président de la République aux Etats-Unis, le journal Le Monde survole les différents points qui, pour des raisons diplomatiques, ne seront pas abordés. Et au titres de ceux touchants les nouvelles technologies, la fiscalité des géants du Net (trois jours après l’annonce de Yahoo d’exporter son centre névralgique en Irlande), la protection des données privées alors que l’assujettissement au Patriot Act des fournisseurs de services US opérant en France, la conservation des données bancaires et de documents de voyage, la fourniture volontaire de fichiers aux forces de police et de renseignement US par les autorités Françaises fait débat. Quant à Prism et aux révélations Snowden, motus et bouche cousue. Cette attitude quant à la trop grande efficacité des services de renseignement n’est pas franchement surprenante. Le Premier des Etats-Uniens avait clairement déclaré qu’il n’avait pas à s’excuser de l’efficacité de ses services. En France, dans les rangs de la sécurité d’Etat, la position est toute aussi claire : si la possibilité est donnée [d’exploiter des informations des systèmes de communication modernes], pourquoi ne pas en tirer parti. L’organe crée la fonction en quelques sortes.
NSA ? Connais plus ! Dans les colonnes de la BBC, l’éclairage semble légèrement plus nuancé. Non seulement le scandale Prism aurait été abordé, mais ces histoires seraient quasiment oubliées. « La confiance est rétablie » a déclaré en substance le Président François Hollande. Il faut continuer à chasser le terroriste coûte que coûte, l’important est de persister dans la même voie. L’on peut noter au passage que les journalistes d’Amérique du Nord n’ont pas oublié la visite d’une centaine de chefs d’entreprise Français à Téhéran, il y a environ une semaine, déplacement considéré par la diplomatie US comme « ne facilitant pas les choses ». L’importance de ce voyage d’agrément a été minimisée par le Président qui rappelait que les principaux embargos imposés à la République Islamique d’Iran étaient toujours respectés.
NSA ? Connais trop ! Alors que les Français semblent jeter un voile pudique sur les amours troubles qu’entretiennent diplomates et barbouzes, deux Sénateurs Républicains des Etats-Unis, Rand Paul et Matt Kibbe ont décidé de poursuivre en recours collectif (class action) leur propre Président. Le motif invoqué se résume en trois mots, écoute massive injustifiée. Les plaignants représentés sont les « clients, utilisateurs ou abonnés du service téléphonique sur le territoire US ». Pour peu, si l’on en juge par les réactions des politiques, l’on croirait presque que la NSA n’a visé que les citoyens des USA. Et ceux des autres pays ?
NSA ? On ne veut plus connaître ! Les autres, du moins ceux appartenant à la Communauté Européenne, ont un peu de mal à oublier et à considérer la confiance comme effectivement « restaurée ». L’Europe des 28 se fendille, et l’on pourrait, sur ce point, commencer à parler d’Europe des 27, celle qui serait débarrassé de la présence du GCHQ Britannique, allié trop objectif des USA. Et puis, tant qu’on y est, une Europe des 26, qui ne serait plus minée par les manœuvres troubles de la DGSE Française qui joue les «monsieur bons offices » auprès de la NSA dans le cadre du programme Lustre. Et pourquoi pas une Europe des 25, qui ne souffrirait plus du bienveillant aveuglement et des sentiments atlantistes exacerbés de la Pologne… ou de l’Europe des 24, des 23, des 22, puisque l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas se sont également fait prendre la main dans le sac à moustaches. La notion d’intelligence avec des puissances extérieures, cette terrible formule qui sent encore l’odeur des tribunaux d’exception et donne à toute démocratie le goût amer de la trahison, empoisonne la Maison Europe, déjà bien ébranlée par la crise économique actuelle. « Il faut que la Grande Bretagne, la France, l’Allemagne, la Suède, la Hollande, la Pologne clarifient les allégations de surveillance de masse dont elles sont accusées » intime un récent communiqué de presse du Parlement Européen. Il faut également que les participants des accords « 9 yeux » (GB, Danemark, France, Hollande) et « 14 yeux » (les mêmes, plus l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Suède) revoient leurs pratiques et politiques en matière de renseignement, afin que les instances parlementaires et judiciaires, ainsi que le public, puissent garder un œil –unique celui-là- sur l’activité de ces dits services.
NSA ? Plus jamais ! Ce cri du cœur du Parlement fait suite à une enquête qui s’est étalée sur plus d’un an, en réponse aux révélations d’Edward Snowden. Enquête dont les conclusions ont été rendues publiques. Le rapport technique de 52 pages brosse un paysage politique craquelé, dans lequel toute notion de confiance se délite. « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l’Europe ! », « l’Europe ! », « l’Europe ! », mais cela n’aboutit [plus] à rien et cela ne signifie [plus grand chose] » dirait Mongénéral. En d’autres termes, le Parlement demande à chacun d’opter pour une position clairement définie. Soit d’épouser le camp d’une Europe unie, forte et indépendante, jouant d’égal à égal avec ses alliés et assez puissante pour à la fois se défendre de ses ennemis et se garder de ses amis, soit de faire sécession en s’assujettissant au bloc de l’Ouest, et de revenir à une géopolitique de bipolarisation opposant un camp Américano-Européen et un opposant guère défini issu des Brics, tantôt Chinois, tantôt Russe, tantôt Indien, tantôt Brésilien. Mais les protestations du Parlement Européen, dépourvu de tout moyen de pression réel, donc de tout pouvoir, a peu de chances de voir cesser le tango que la Grande Bretagne a entamé avec le « Grand Large » depuis les années 50 et les pas de valse-hésitation que la France, l’Allemagne et la Pologne esquissent avec les USA depuis les 10 dernières années.