Deux fuites supplémentaires font les grands titres des quotidiens en cette fin de semaine. Celle d’environ un demi-million de télégrammes d’Arabie Saoudite, divulguée par Wikileaks, et celle, orchestrée par le CGHQ, espions « by appointment of her Majesty the Queen » et visant ce qui semble être une très dangereuse organisation, Amnesty International. Mark Wilson de BetaNews a rédigé une parfaite synthèse des évènements et témoigne de la surprise des dirigeants d’Amnesty. Une demande écrite d’explications a été envoyée au Premier Ministre, et d’énergiques protestations se sont vues publier par voie de presse sur de grands quotidiens nationaux, dans le Guardian notamment.
La fuite de données est une sorte de maladie du siècle. Initialement « inventée » par une poignée d’escrocs particulièrement intéressés par le vol d’identité et les casses bancaires sophistiqués. Elle est devenue l’un des principaux passe-temps des agences de renseignement du monde entier (USA en tête, mais l’Europe est loin d’être innocente). Collecte généralement mise sur le marché par des lanceurs d’alertes connus (Manning, Snowden…) ou anonymes, ainsi l’armée des informateurs de Wikileaks. Plus les services d’espionnage intensifient leur pression numérique, plus ces ripostes orchestrées par des éléments généralement incontrôlés se multiplient. Ce que ne semblerait pas avoir remarqué une grande partie de la classe politique occidentale, qui tente, par des lois de plus en plus restrictives, de juguler un problème alors qu’en réalité, ce genre de réactions ne semblerait qu’ajouter de l’huile sur le feu.
Certes, les Manning et autres Snowden sont des arguments de poids pour les partisans d’une surveillance intégrale, pour qui ces prétextes deviennent un moyen simple d’imposer des lois d’exception qui permettent un meilleur contrôle sur la population. Las, entre les pratiques d’une surveillance à la sauce Second Empire et la situation actuelle, il existe une énorme différence : les « surveillés » aujourd’hui peuvent répliquer avec les mêmes armes que ceux qui tentent de les contraindre. Ne pas tenir compte de la possibilité de cette forme de contestation asymétrique, serait donc s’exposer un peu plus à une escalade de la violence numérique, et c’est précisément ce qui arrive. Snowden, Manning ou l’inconnu des fuites Saoudiennes ne sont que les conséquences d’un emballement des pratiques de fichage et de flicage qui frappent les sociétés occidentales ou occidentalisées. Comme aucun des camps ne semble vouloir temporiser, et comme la numérisation absolue de la société continue sa course de manière frénétique, il est peu probable que cette guerre des fuites cesse demain. Ou alors, ce sera lorsque tout aura déjà été divulgué …