Depuis le 9 de ce mois,le fournisseur de service mail Lavabit n’affiche plus qu’une seule page sur son site Web : l’annonce de la fermeture (temporaire ou définitive) de ses serveurs de messagerie, sous prétexte que l’entreprise ne peut plus assurer à ses clients la moindre confidentialité de ses correspondances depuis le début du scandale Prism. Une attitude, de la part d’une entreprise US, qui tranche très nettement avec le mutisme des Hotmail Microsoft, Gmail Google et autres prestataires tant de messagerie que de services Cloud.
Ladar Levison, le patron de Lavabit, fait de nouveau parler de lui dans une interview accordée à NBC, en déclarant « Je pourrais être arrêté pour cet acte ». La fermeture de son service peut être en effet considérée comme une obstruction au travail de la justice et des agents engagés contre la lutte antiterroriste. Lutte d’autant plus acharnée depuis que Edward Snowden aurait utilisé un compte Lavabit pour organiser une rencontre avec quelques journalistes dans l’aéroport de Moscou.
Pour Levison, il s’agit là d’un cas de conscience. Donner accès aux contenus de ses serveurs le rendrait « complice de crime contre le peuple américain », dans l’autre, il deviendrait hors la loi en refusant de se soumettre à une disposition gouvernementale justifiée par des motifs de sécurité nationale. Ethique contre civisme ou respect de la loi et de l’ordre, la décision n’est pas facile à prendre. Levison (et ses employés) sont sur le point d’être tous au chômage. On est très loin d’une simple question rhétorique.
A peine rendue publique, la décision de Levison en a entraîné une autre, celle de l’occultation de GrokLaw, un site d’informations légales et juridiques situé entre le blog et le serveur d’archives. On y trouve notamment tout l’historique du procès SCO/IBM/Novell/RedHat, Microsoft vs la Commission Européenne…
Sans messagerie, il est impossible d’assurer le fonctionnement de Groklaw. Là est le hic. Et « if we knew what he (Ladar Levison, ndlr) knew, we’d stop too » est-il écrit en première page du site. Le « Grok » de Groklaw vient d’un verbe inventé par Robert Heinlein, dans le roman « En terre étrangère ». Il signifie boire, absorber, comprendre dans toute sa plénitude. Une compréhension qui n’est possible que lorsque toutes les conditions d’accès à l’information et à la préservation de l’anonymat des sources sont garanties.