Matthew M. Aid, auteur d’ouvrages sur la NSA et éditorialiste-blogueur, attire l’attention de ses lecteurs sur l’aspect « effrayant » de petits quadcopters télécommandés.
Pourquoi « effrayant » ? Parce qu’au cours d’une manifestation en Allemagne, l’un de ces appareils équipé d’une caméra a pu pénétrer dans l’espace aérien d’un camp de la NSA et prendre quelques images du parking attribué à cette fascinante synthèse de l’esprit et du muscle que sont Les Barbouzes.
Il n’est pas inutile de rappeler que l’aéromodélisme, que l’on désignait autrefois sous le sobriquet de « F1000 » (du nom de la licence d’exploitation radio qu’il fallait alors détenir) est une activité ludique qui existe depuis une bonne cinquantaine d’année, tant en France qu’aux Etats-Unis. Que la mode des quadcopters et autres ballons captifs, si elle a largement contribué à rajeunir le mouvement, n’a en rien, ou presque, modifié ses pratiques. Et qu’une agence de super-espions dont les secrets seraient compromis par une caméra montée sur hélices aurait quelque intérêt à revoir en profondeur ses fondamentaux.
Mais là n’est pas le fond de la question. A périodes régulières, des éditorialistes s’émeuvent des risques que représenteraient les jardiniers, utilisateurs de désherbants à base de chlorate (alors on interdit le chlorate par décret), craignent que l’usage généralisé de raticide entraîne une vocation chez certains lecteurs d’Agatha Christie (et l’on réserve la vente de certains produits au seul usage de professionnels), s’imaginent que la possession d’un scanner IP ou d’un CD de Backtrack transforme le primo-informatisé en dangereux pirate (et l’on promulgue une loi sur la confiance numérique qui stigmatise chaque usager et la lui fait totalement perdre, cette fameuse confiance numérique). La science, qu’elle soit chimique, électronique, physique ou mécanique, fait peur à certains politiques, et notamment à ceux particulièrement doués d’imagination pour tout ce que Bruce Schneier appelle les « incredible movie plot », ou scénarii catastrophe hautement improbables.
Monter un four à plasma, jouer avec un quadcopter miniature, fabriquer de toute pièce un émetteur-récepteur logiciel capable de décoder quasiment tous les types de modulation possibles traînant sur le spectre radioélectrique, apprendre la chimie et la biologie par la pratique, synthétiser des nanoparticules de carbone, plancher sur l’art et la manière de mettre à mal, puis renforcer, les défenses périmétriques d’un réseau informatique, cela s’appelle du hacking. Et c’est, pour l’heure, la meilleure filière de formation pluridisciplinaire, polytechnique qui soit. C’est par le développement de hackerspaces et fablabs, par l’encouragement de ces structures de recherche et d’échange de connaissance qu’un Etat peut espérer voir « aussi » se développer des compétences qui donneront naissance à des pépinières de startup : le culte du garage qui donna naissance à des Microsoft, à des Apple ou HP existe toujours. Mais prenons garde à ne pas tuer dans l’œuf ces élans d’inventivité sous prétexte de risques probables.
Les radioamateurs (hackers d’installations wireless) existent depuis les années 20, les chimistes amateurs depuis plus longtemps encore, et le fardier de Cugnot, bricolage diabolique qui terrorisa quelques vaches et détruisit quelques murs, est contemporain de la Révolution Française. Ils n’ont, jusqu’à présent, provoqué aucun Armageddon.