Mark Gibbs de Network World revient une dernière fois sur les « trois leçons à tirer de Wikileaks ». Des leçons inégales, parfois très justes (une fois divulguée, il est impossible de stopper une révélation, aucun organisme n’est à l’abri d’une fuite), parfois plus discutables (« les gens veulent absolument tout savoir des secrets des gens qui nous gouvernent, leurs raisons d’imposer le secret sur certaines choses, la personne à l’origine de cette mise au secret et le temps durant lequel ce secret a été maintenu »). Sans secret, il n’y aurait plus de diplomatie… et c’est précisément ce point en particulier qui a fait réagir les politiques de tous les pays, concernés ou non. Certes, le côté « scandale à la une » a pu amuser, intéresser, révéler quelques affaires et passionner le public. Mais l’absence de secret, l’espoir d’une politique régie par une honnêteté absolue, l’utopie d’une transparence gouvernementale exposée à tous les habitants de la planète frise l’angélisme (bisounoursing en leet speak) le plus béat et irréfléchi. L’on attribue à Napoléon Bonaparte le conseil suivant : si l’on souhaite prendre un bon repas, il ne faut pas passer par la cuisine. En d’autres termes, si l’on désigne des « commis » par voie électorale, c’est aussi et en partie pour éviter d’avoir à contempler les recettes parfois écœurantes et les pratiques douteuses de la realpolitik.
Gibbs aurait pu tout de même ajouter un dernier point à la liste des leçons Wikileaks, et pas l’une des moindres : les entreprises et structures gouvernementales vont commencer à comprendre les affres des éditeurs de musique de variétés et autres industriels du divertissement qui voient le fruit de leur labeur exposé sur les index de Pirate Bay ou de IsoHunt. Tant que le risque n’impactait que les fins de mois de Britney ou le compte en banque de Justin, l’on pouvait encore s’illusionner sur l’efficacité d’une Hadopi et l’espérance de peur instillée par quarteron de supplétifs de la justice sans juge et sans tribunal. Mais depuis que l’on peut y piocher les détails des contrats et courriels d’un HBGary, les notes diplomatiques d’un Etat ou les écarts de conduite d’une armée sur le terrain, il faudra peut-être trouver un peu plus dissuasif qu’un envoi de lettres recommandées ou qu’un « kill switch » Internet.